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DEPUIS LA CONFÉRENCE DE CARTIIAGE JUSQU’A SA MORT. 513 le Prophète : « Je remplis le ciel et la terre ’ ; » sa sagesse, comme je l’ai rappelé plus haut, « atteint avec force d’une extrémité à l’autre et « dispose tout avec douceur ^ ; » il est aussi écrit que « l’Esprit du Seigneur a rempli l’u- « nivers ^ ; » et le Psalmiste a dit : « Où irai-je « devant votre esprit ? Où fuir devant votre « face ? Si je monte au ciel, vous y êtes ; si je « descends dans les enfers, vous voilà ^ » Dieu n’est [)as répandu partout comme une qualité du monde, mais comme la substance créatrice du monde qu’il gouverne sans travail et main- tient sans effort. 11 n’est pas répandu comme une masse à travers l’étendue, de manière h se trouver moitié dans une moitié du monde, et moitié dans l’autre moitié, et tout entier dans le tout, mais il est tout entier dans le ciel, tout entier sur la terre, tout entier dans le ciel et sur la terre : aucun espace ne le contient, mais il est dans lui-même tout entier partout. 15. Il en est ainsi du Père, du Fils, du Saint- Esprit, de la Trinité qui forme un seul Dieu. Les trois personnes divines n’ont pas partagé le monde en trois parties pour être remplies de chacune d’elles , comme si le Fils et le Saint-Esprit n’eussent plus trouvé de place si le Père eût occupé l’espace tout entier. Il n’en va pas ainsi de la divinité véritable, incorpo- relle et immuable. Ce ne sont pas des corps, plus grands tous trois ensemble que pris sépa- rément, et occupant chacun un espace diffé- rent de façon à ne pouvoir occuper le même. L’âme ne se sent pas à l’étroit dans le corps, mais y trouve une certaine largeur qui tient non pas aux lieux mais aux joies spirituelles lorsque s’accomplissent ces paroles de l’Apôtre : « Ne savez - vous pas que votre corps est le « temple du Saint-Esprit (jui réside en vous et « que vous avez reçu de Dieu ^ ? » et il y au- rait de la folie à dire que, notre âme remplis- sant notre corps tout entier, le Saint-Esprit ne saurait y trouver place : mais il y aurait plus de folie encore à soutenir que les trois per- sonnes divines fussent gênées et serrées (|uelque part, et que le Père, le Fils et le Saint-Esprit ne pussent [)as être ensemble partout. 16. Mais ce (}u’il y a de bien |)lus étonnant, c’est que Dieu étant tout entier partout, n’ha- bite pas cependant dans tous les honunes. Ce n’est pas à tous les hommes que s’adressent les paroles de l’Apôtre que j’ai déjà citées, ni

  • Jérém. xxiii, 24. — ’ Sag. viii, 1. — * Ibid. i, 7.
  • Ps. cxxxviii, 7. — ’I Cor. VI, 19.

S. AuG. — Tome II. ces autres : « Ne savez-vous pas que vous êtes « le temple de Dieu et que l’Esprit de Dieu « habite en vous * ? » Au contraire, c’est de quelciues-uns que l’Apôtre dit : « Quiconque « n’a pas l’Esprit du Christ ne lui appartient « pas ^ » Or, qui oserait penser, à moins d’i- gnorer complètement l’inséparabilité de la Tri- nité, que le Père ou le Fils puissent habiter où n’habiterait pas le Saint-Esprit, ou que le Saint - Es[)rit puisse habiter où n’habite- raient pas le Père et le Fils ? Il faut donc reconnaître que Dieu est partout par la pré- sence de sa divinité, mais non point partout par sa grâce. Pour obtenir que Dieu habite en nous, ce qui est l’effet non douteux de la grâce de son amour, nous ne lui disons pas : Notre Père qui êtes partout, quoifjue cela soit vrai, mais « Notre Père qui êtes au ciel ^ ; » de cette manière nous ne faisons mention que de son temple dans la prière, et c’est nous qui devons être ce temple ; plus nous le sommes, plus nous appartenons à la société de Dieu et à sa famille d’adoption. Car si le peuple de Dieu, sans être encore devenu égal à ses anges, est appelé son temple dans ce pèlerinage ; combien plus son temple est-il au ciel, où se trouve un peuple d’anges dont nous serons un jour les compagnons et les égaux , lorsque, après le pèlerinage, nous recevrons ce qui nous a été promis ! 17. Dieu donc qui est partout, n’habite pas dans tous les hommes ; il n’habite pas non plus d’une égale manière dans tous ceux qu’il visite par sa grâce. D’où vient en effet qu’Eli- sée demanda (|ue l’Esprit de Dieu fût deux fois plus en lui qu’il n’était dans Elie ; et d’où vient que, parmi les saints, il en est qui le sont plus ou moins les uns que les autres ? c’est (pi’ils possèdent [»lus ou moins Dieuciui habite en eux. Comment donc avons-nous eu raison de dire i)Ius haut que Dieu est tout entier par- tout, puisqu’il est dans les uns plus, dans les autres moins ? Mais il faut remarquer que nous avons dit que Dieu est tout entier partout en lui-même. Ce n’est donc point dans les hommes (jui le reçoivent, les uns plus, les autres moins. Il est partout parce (ju’il n’est absent de rien ; il est tout entier {vAvioni, parce qu’il ne rend |)as diverses parties de lui-même ])répentes aux diverses |)arties de l’univers, proportionnant son degré de présence aux iné- gales grandeurs des choses ; mais il est tout

  • I Cor. m, 16. — ’ Rom. viii, ’J. — ’ Matlh. vi, 9.

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