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DEPUIS LA CONFÉRENCE DE CAUTHAGE JUSQU’A SA MORT. 511 humaine du Sauveur, Mais il n’est pas aisé de décider si le sein d’Abraham où le mauvais riche, du milieu de ses tourments de damné, vit le pauvre dans un heureux repos est ce paradis, ou s’il appartient aux enfers. Car il a été dit de ce riche : « Il mourut aussi et fut « enseveli dans les enfers, » et encore : « Lors- « qu’il était dans les enfers, au milieu des « tourments. » Mais il n’est pas question des enfers dans la mort ou l’heureux repos du pauvre : « Il arriva que le pauvre mourut, dit « l’Ecriture, et fut porté par les anges dans le «sein d’Abraham. » Abraham dit ensuite au riche qui brûle : « Un grand abîme s’est fait « pour toujours entre vous et nous *, » comme entre les enfers et les demeures des bienheu- reux. Il n’est pas facile de trouver dans l’Ecri- ture que le nom des enfers soit pris en bonne part ; et si ce nom ne se mêle qu’à l’idée de châtiment, on demande souvent comment la piété peut croire que l’âme du Christ Noire- Seigneur soit allée dans les enfers. Mais on répond très-bien qu’il y est descendu pour secourir ceux qu’il fallait secourir ; et c’est pourquoi le bienheureux Pierre dit qu’il a fait cesser les douleurs de l’enfer, dans lesquelles il n’était pas possible qu’il lut retenu. Or, s’il faut croire que la région des douleurs et celle du repos, c’est-à-dire le lieu où souffrait le mauvais riche et le lieu où le pauvre était dans la joie se trouvent dans les enfers ; qui osera dire que le Seigneur Jésus visita seule- ment le séjour des peines éternelles et n’alla pas auprès de ceux qui se reposent dans le sein d’Abraham ? S’il y alla, c’est là qu’on doit pla- cer le paradis qu’il daigna promettre ce jour-là à l’âme du bon larron. S’il en est ainsi , le pa- radis est le nom général du séjour où l’on vit heureux. Aussi quoique le lieu où Adam a été placé avant son péché s’appelât le paratlis , les Livres saints n’ont pas craint d’appeler l’Eglise un paradis avec des fruits. 7. Le sens du passage deviendra plus facile et plus simple si on comprend que ce n’est pas comme homme, mais comme Dieu que le Christ dit au bon larron : « Tu seras au- «jourd’hui avec mui en paradis. » Car, ce jour-là, le Christ, en tant qu’homme, devait être dans le sépulcre quant à son cor|»s, dans les enfers ([uant à son àmc ; mais, en tant (jue Dieu, le Christ est toujours partout. H est la lumière qui luit dans les ténèbres, quoique les

  • Luc, XVI, 22-26.

ténèbres ne l’aient pas comprise K II est la vertu et la sagesse de Dieu dont il est écrit qu’elle atteint avec force d’une extrémité à l’autre et dispose tout avec douceur ^ ; qu’elle atteint partout à cause de sa pureté, et que rien de souillé n’est en elle ^ En quelque lieu que soit donc le paradis, les bienheureux y sont avec Celui qui est partout. 8. En effet, le Christ est Dieu et homme ; comme Dieu, il dit : « Mon Père et moi nous ne « sommes qu’un ’*, » comme homme, il dit : « Mon Père est plus grand que moi ^ ; » il est en même temps le Fils unique de Dieu le Père et le fils de l’homme né de la race de David selon la chair : ces deux côtés du Christ sont à con- sidérer lorsqu’il parle ou que l’Ecriture parle de lui : il faut voir si c’est le Dieu ou l’homme que cela regarde. De même qu’une âme rai- sonnable et un corps ne font qu’un même homme , ainsi le Verbe et l’homme ne sont qu’un même Christ. En tant qu’il est le Verbe, le Christ est créateur, « car tout a été fait par « lui ^ ; » en tant qu’il est homme , le Christ a été créé ; « il est né de la race de David selon «la chair ^ ; » ail a été fait semblable aux « hommes **. » Et comme dans l’homme il y a l’âme et la chair, le Christ fut triste jusqu’à la morl,^ selon l’âme, et soutfrit la mort ’" selon la chair. 9. Toutefois quand nous disons que le Christ est le Fils de Dieu, nous ne le séparons pas de son humanité ; et quand nous disons (jue le Christ est fils de l’hounne, nous ne le séparons pas de sa divinité. En tant qu’homme, il était sur la terre et non dans le ciel où il est main- tenant, lorsqu’il disait : « Personne n’est monté « au ciel excepté celui qui est descendu du « ciel, le Fils de l’homme (|ui est dans le ciel ".» Il |)arlail ainsi (juoitju’il fût dans le ciel connue Fils de Dieu, et que, comme fils de l’homme, il fût encore sur la terre et ne fût pas monté au ciel. EntantijueFilsde Dieu, il était le Seigneur de gloire ; mais en tant que le filsdel’honune, il a été crucifié ; et cependant l’Apôtre dit (jue « s’ils l’eussent connu , ils n’auraient jamais « crucifié le roi de gloire ’-. » Ainsi le fils de riionune, en tant que Dieu, était au ciel, et le Fils de Dieu, en tant qu’homme, était crucifié sur la terre. Comme donc on peut dire avec raison (pie le Seigneur de gloire a élé criu’ilié, ’ Jean, l, 5. — ’ Sag. viir, 1. — * Ibid. vu, 21. — * Jean, x, 30. — ’ Ibid. XIV, 28. — • Ibid. l, 3. — ’ Rom. i, 3. — ’ Philip, il, 7. — ’ Matth. xxvi , 38. — " Act. m, 18. — " Jean, m, 13. — " I Cor. 11. 8.