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DEPUIS LA CONFÉRENCE DE CARTHAGE JUSQU’A SA MORT. 509 40. En effets quoi de meilleur et de plus par- fait que ce passage d’une de vos lettres où vous déplorez humblement que notre nature ne soit pas restée comme Dieu l’a faite , mais qu’elle ait été corrompue par le père du genre humain : « Pauvre et malheureux que je suis, tout chargé « de l’immonde grossièreté de l’homme ter- « restre, plus près du premier Adam que du « second par mes sens et mes actions, comment « oserai-je me peindre à vous, tandis que la « profondeur de ma corruption ne me laisse « plus rien de l’image céleste ! La honte m’en- « ferme de tous côtés. Je rougis de me repré- « senter tel que je suis, je n’ose pas me repré- « senter autrement que je ne suis : je hais ce « que je suis, et ne suis pas ce que j’aime. Mais « que servira-t-il à ma misère de haïr l’iniquité « et d’aimer la vertu, lorsque je fais plutôt ce « que je hais, au lieu de redoubler vigoureuse- « ment d’effort pour faire ce que j’aime ? En «désaccord avec moi-même, je suis déchiré « par une guerre intestine : l’esprit combat a contre la chair, la chair contre l’esprit, et la « loi du corps attaque la loi de l’esprit par la « loi du péché. Malheureux que je suis ! le bois « de la croix ne m’a pas fait perdre le goût em- « poisonné de l’arbre ennemi ! Le poison par « lequel Adam a tué toute sa race, ce [)oison « paternel subsiste dans mes entrailles^ ; » et le reste que vous ajoutez en gémissant, atten- dant au milieu de cette misère la rédemption de votre corps , connaissant que vous êtes sauvé, non en réalité, mais en espérance ^ 41. Peut-être qu’en disant ces choses, vous avez tracé un autre portrait que le vôtre, et que vous n’avez pas à souffrir, sans même y con- sentir, ces odieuses importunités de la concu- piscence de la chair. Mais que ce soit vous ou un autre qui soyiez en butte à ces révoltes eu attendant que la grâce du Christ vous délivre du corps de celte mort, vous étiez dans le pre- mier homme, non pas d’une manière distincte, mais d’une manière cachée, lorsqu’il touchait au fruit défendu et que se formait cette perdi- tion qui devait atteindre le genre humain tout entier. Quant à la prière, quant aux gémisse- ments par lesquels nous devons demander à Dieu d’avancer et de bien vivre, que ne trou- vons-nous pas dans votre lettre I Quelles sont les paroles de vous où ne se rencontre pas avec ’ Ce pa ?sage , d’une forte expression , est tiré d’une lettre de saint Paulin à Sévère. Lettre. 8. Rom. viii, 23, 21. une piété gémissante cette supplication de l’o- raison dominicale : « Ne nous induisez pas en tentation ^ ? » Consolons-nous donc les uns les autres dans toutes ces choses, excitons-nous mutuellement, et, autant que Dieu le permet, aidons-nous. Nous sommes affligés d’entendre dire certaines choses et d’entendre accuser certaines personnes^ ; mais nous ne voulons pas y croire facilement ; votre sainteté ap- prendra tout de notre ami commun, s’il plaît à la miséricorde de Dieu de nous le ramener en bonne santé, nous pourrons savoir la vérité entière à son retour. LETTRE CLXXXVII. (Année 417.) Saint Augustin, dans la Revue de ses ouvrages ^, mentionne cette lettre qu’il appelle un livre Sur la présence de Dieu ; elle est adressée à Dardanus ^, préfet des Gaules , qui lui avait demandé l’explication de ces paroles du Christ mourant au bon larron : « Tu seras aujourd’hui avec moi en paradis. » Darda- nus mêlait à celte question d’autres questions sur le Christ, sur le ciel , sur Dieu. Comme saint Jean tressaillit de joie dans le sein d’Elisabeth aux approches de Marie , le préfet des Gaules demande à l’évèqne d’Hippone si les enfants ne peuvent pas connaître Dieu , même lorsqu’ils sont encore dans le sein ma- ternel. Saint Augustin répond à tout avec une grande abondance de détails, de témoignages et d’idées ; il montre comment Dieu est présent partout tout entier, coiument il habile en ceux qu’il aime, comment les saints forment son temple. La question de Dardanus sur saint Jean et les enfants amène l’évêque d’Hip- pone à attaquer à fond le pélagianisme sans parler de Pelage. Il importait de prémunir les Gaules contre les ravages de l’er- reur naissante, et saint Augustin démontre tout ce que la doc- trine nouvelle a de faux et de contraire au christianisme. 1. Bien-aimé frère Dardanus, plus illustre pour moi dans la charité du Christ que dans les dignités de ce siècle, j’avoue que j’ai ré- pondu à votre lettre plus tard que je n’aurais dû. Je ne voudrais pas que vous en deman- dassiez les causes, de peur que vous ne su[)- portassiez plus difficilement mes longues excuses que vous n’avez supporté mes longs relards. J’aime mieux que vous me [)ar(lonniez aisément mes torts que si vous aviez à juger ma défense. Quels qu’aient pu être mes motifs, croyez qu’il n’a pu entrer en moi aucun dé- dain de ce qui vous touche. Au contraire, je vous aurais répondu j)romplement si je vous avais compté pour peu. Ce n’est pas qu’en vous répondant si tard je sois entin parvenu à com- ’ Matth. VI, 1.3. ’ Nous ignorons de quelles afTaires particulières veut ici parler saint Augustin. » Liv. II, chap. XLix. •Voyez dans notre Histoire de saint Augustin, chap. Xiïvii, ce que nous avons dit de Dardanus.