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par je ne sais quels laïcs, et dans lesquels il prétend avoir été entendu et absous. Nous doutons que cela soit vrai ; ce n’est pas le concile même[1] qui nous a envoyé ces actes, et flous n’avons reçu aucune lettre de ceux par qui la cause a été examinée. Si Pélage avait été sûr de sa justification, il aurait certainement demandé à ses juges de nous écrire pour nous l’apprendre. C’eût été un meilleur moyen de nous persuader. Mais ces actes portent la trace d’objections qui lui ont été faites ; il en est auxquelles il évite de répondre, et d’antres qu’il n’essaie de rétorquer qu’en embrouillant et en répandant la plus profonde obscurité ; il s’est justifié sur certains points par de faux raisonnements bien plus que par des raisons vraies ; il allait, selon les besoins du moment, tantôt par des dénégations, tantôt par d’inexactes interprétations.

4. Mais (ce qui est plus souhaitable), plût à Dieu qu’il revint de son erreur à la vérité de la foi catholique ! plût à Dieu qu’il désirât et voulût se justifier en considérant et en reconnaissant cette grâce et ce secours de Dieu dont nous avons besoin tous les jours ! plût à Dieu qu’il vit la vérité et que, rentré de cœur et non d’après je ne sais quels actes, dans la voie catholique, il méritât l’approbation de tous ! Nous ne pouvons ni blâmer ni approuver le jugement porté sur lui, parce que nous ne savons pas si les actes sont véritables ; et s’ils le sont, il paraît évident qu’il s’est bien plus attaché à éluder les questions qu’à se justifier pleinement. S’il a confiance, s’il croit que nous ne devons pas le condamner par la raison qu’il aurait désavoué ce qu’il a dit précédemment, ce n’est point à nous à le mander, c’est à lui à venir vers nous au plus vite pour qu’il puisse être absous. Car s’il pense encore de la même manière, quelque lettre de nous qu’il reçoive, comment se présentera-t-il, sachant d’avance qu’il sera condamné ? Si on avait à le mander, il vaudrait mieux qu’il le fût par ceux qui sont plus près de lui, au lieu d’en être, comme nous, séparés par de longues distances. Mais les soins ne lui manqueront pas s’il veut bien se laisser guérir ; il peut condamner ce qu’il a pensé, et demander pardon de son erreur dans une lettre, comme il convient de le faire lorsqu’on revient vers nous, très-chers frères.

5. Nous avons parcouru le livre qu’on dit être de lui et que votre charité nous a fait parvenir ; nous y avons trouvé beaucoup de choses contre la grâce de Dieu, beaucoup de blasphèmes, rien qui ne déplaise tout à fait et qu’il ne faille condamner et rejeter : de pareilles idées ne pouvaient venir qu’à l’auteur de ce livre. Nous ne croyons pas nécessaire de disputer longuement ici sur la loi, comme si Pélage était devant nous avec ses résistances ; c’est à vous que nous nous adressons, à vous qui connaissez cette loi tout entière et qui vous en réjouissez, d’accord avec nous. Les preuves de notre foi sont mieux placées, quand nous traitons avec ceux qui ne savent pas les choses. Lorsqu’il s’agit des forces naturelles, du libre arbitre, de toute grâce de Dieu et de la grâce quotidienne, quel catholique, fidèle à la vérité, ne trouverait beaucoup à dire ? Que Pélage anathématise donc ce qu’il a pensé, afin que ceux qui ont été trompés par ses enseignements connaissent sur ces matières la vraie foi devenue enfin la sienne. Ils reviendront plus facilement s’ils apprennent que l’auteur même de cette erreur l’a condamnée. S’il persiste opiniâtrement dans cette impiété, il importe d’aller au secours des chrétiens induits dans une erreur qui n’est pas la leur, mais bien plus la sienne : il ne faudrait pas que les remèdes et les soins qu’il s’obstinerait à repousser fussent à jamais inutiles aux hommes trompés par ses discours. Et d’une autre main. Que Dieu vous garde en bonne santé, très-chers frères ! Donné le sixième jour des calendes de février, après le VIIe consulat du très-glorieux Théodose et le Ve de Junius Quartus Palladius.

LETTRE CLXXXIV.

(Année 417.)

Un billet du pape Innocent pour Aurèle et Augustin.

INNOCENT À AURÈLE ET À AUGUSTIN, ÉVÊQUES.

Germain, mon collègue dans le sacerdoce, et qui a été le bienvenu auprès de moi, n’a pas dit s’en retourner vers vous sans vous porter mon souvenir. Il me paraît naturel et tout simple de saluer ceux que l’on aime par ceux qui nous sont chers. Nous souhaitons tendrement que votre fraternité[2] se réjouisse dans le Seigneur, et nous vous demandons d’adresser pour nous à Dieu les mêmes vœux ; nous faisons bien plus, vous le savez, par des prières communes et réciproques que par des oraisons particulières et séparées.

LETTRE CLXXXIV bis[3].

(Année 417.)

La plus grande partie de cette lettre si forte de doctrine, roule sur le péché originel et l’état des enfants qui meurent sans le baptême ; saint Augustin parle ensuite des questions qu’il traite et des adversaires qu’il combat dans la Cité de Dieu.

AUGUSTIN À SES BIEN-AIMÉS SEIGNEURS ET SAINTS FILS PIERRE ET ABRAHAM, SALUT DANS LE SEIGNEUR.

1. La justice ne doit pas, la charité ne peut pas dédaigner le saint zèle qui vous pousse à

  1. Le concile de Diospolis.
  2. Vestram Germanitatem. Le pape joue avec le nom de Germain, le porteur de sa lettre.
  3. Voici la première des deux lettres de saint Augustin découvertes en 1732 dans un manuscrit du mie siècle à l’abbaye de Gottwe, aux environs de Vienne, en Autriche, par don Geoffroi Besselius, abbé de ce monastère, et don Bernard Paz, savants bénédictins de l’Allemagne, Les deux lettres furent publiées à Vienne en 1732 et à Paris en 1734. Les numéros que les lettres de saint Augustin ont reçus de la classification des bénédictins, sont devenus une sorte d’indication classique pour l’érudition religieuse ; nous les respectons, et, gardant seulement l’ordre des dates, nous répétons le chiffre de la précédente lettre pour marquer celle-ci qui ne se trouve pas dans l’édition des bénédictins. On ne verra qu’un peu plus loin la seconde lettre découverte dans le monastère de Gottwic, parce quelle est d’une date postérieure.