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de Donat, se sépara de la communion de Primien, et comment, ayant réuni des évêques favorables à ses desseins, il condamna Primien absent, et se fit ordonner évêque à sa place c’était ainsi que Majorin, dans une réunion d’évêques achetés par l’or de Lucille, avait condamné Cécilien absent, et lui avait pris son siège. Trouverez-vous bon par hasard que Primien ait été justifié contre la faction de Maximien par les autres évêques africains de sa communion, et n’admettez-vous pas la justification de Cécilien prononcée contre la faction de Majorin par les évêques d’outre-mer restés fidèles à l’unité ? Je vous en prie, mes frères, est-ce que je vous demande là une bien grande chose ? est-ce que je veux vous faire comprendre quelque chose de bien difficile ? L’Église d’Afrique, ni par l’autorité ni par le nombre, ne peut soutenir la comparaison avec toutes les autres Églises de l’univers ; quand même elle aurait gardé son unité, elle serait encore moindre à l’égard du monde chrétien que le parti de Maximien à l’égard du parti de Primien ; je demande cependant, et je le crois juste, que le concile de Sécondus, évêque de Tigisis, suscité par Lucille contre Cécilien absent, contre le siège apostolique, contre tout l’univers en communion avec Cécilien, n’ait pas plus de valeur que le concile de la faction de Maximien suscité par je ne sais quelle autre femme contre Primien absent et contre la multitude en communion avec Primien dans le reste de l’Afrique : quoi de plus clair ? quoi de plus équitable ?

27. Vous voyez toutes ces choses, vous les connaissez et vous en gémissez ; et pourtant Dieu voit aussi que rien ne vous force à demeurer dans cette séparation mortelle et sacrilège, si vous préférez à de charnelles affections le royaume de l’esprit, si, en vue d’éviter des peines éternelles, vous ne craignez pas de heurter ces amitiés humaines qui ne vous serviront de rien au tribunal de Dieu. Allez donc, consultez ; informez-vous de ce que vos amis peuvent trouver à nous répondre ; s’ils produisent des pièces écrites, nous en produisons aussi ; s’ils disent que les nôtres sont fausses, qu’ils ne s’indignent point que nous en disions autant des leurs. Personne n’effacera du ciel la constitution de Dieu, personne n’effacera de la terre l’Église de Dieu ; il a promis le monde entier à la vérité chrétienne, l’Église a rempli le monde entier : les mauvais et les bons se mêlent dans son sein, elle ne perd que les mauvais sur la terre, elle n’admet que les bons dans le ciel. Ce discours que nous vous adressons par la grâce de Dieu, le seul qui sache quel amour pour la paix et pour vous nous inspire, sera votre correction si vous le voulez, et un témoignage contre vous, quand même vous ne le voudriez pas.

LETTRE XLIV.

(Année 398.)

Récit d’une conférence de saint Augustin avec Fortunius, évêque donatiste de Tubursi ; on admirera dans notre évêque le grand controversiste, si doux dans les formes, si puissant pour tout ce qui est de fond et de raisonnement.

AUGUSTIN À SES BIEN-AIMÉS ET HONORABLES SEIGNEURS ET FRÈRES ÉLEUSIUS, GLORIUS ET LES DEUX FÉLIX.

1. En allant à Constantine, quoique nous eussions hâte de continuer notre voyage, nous nous sommes arrêté à Tubursi pour visiter votre évêque Fortunius, et nous avons trouvé en lui toute la bienveillance que vous nous promettiez. Lorsque nous lui eûmes fait connaître ce que vous nous allez dit de lui et quel désir nous avions de le voir, il daigna se prêter à nos vœux. C’est pourquoi nous allâmes vers lui ; nous crûmes devoir témoigner cette déférence pour son âge, et ne pas exiger qu’il vînt vers nous le premier. Nous nous rendîmes donc chez lui, accompagné de toutes les personnes, en assez grand nombre, qui se trouvaient en ce moment avec nous. Le bruit de notre arrivée dans sa demeure ne fit qu’accroître la foule des curieux ; parmi cette multitude, nous apercevions peu de gens qui fussent conduits par la pensée de tirer profit d’un tel entretien et qui souhaitassent une discussion sérieuse et chrétienne d’une aussi importante question ; presque tous arrivaient à notre conférence bien plus comme à un spectacle qu’à une instruction salutaire. Aussi nous ne pûmes obtenir d’eux ni silence, ni attention, ni même un peu de retenue et d’ordre dans leur façon de nous parler, à l’exception de ce petit nombre que je vous signalais tout à l’heure et dont on remarquait la religieuse et véritable attention.. Chacun parlant à son gré et selon les mouvements les plus désordonnés de l’esprit, tout ne fut bientôt que bruit et trouble autour de nous ; nous ne pouvions en venir à bout ; nous réclamions