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sur la vérité ; mais ils avaient eu besoin que le temps donnât quelque consistance à de fausses rumeurs ; ils avaient voulu se présenter devant les juges sous la protection d’une favorable opinion qui était leur ouvrage ; ou bien, ce qui est plus à croire, ayant condamné Cécilien à leur guise, ils se croyaient en sûreté par leur grand nombre, et n’osaient pas porter une mauvaise cause là où l’absence de toute influence corruptrice rendrait si facile la découverte de la vérité.

19. Mais voyant que l’univers demeurait en communion avec Cécilien, et que c’était à lui et non pas à l’évêque criminellement ordonné par eux que s’adressaient les lettres des Églises d’outre-mer, ils eurent honte de garder toujours le silence ; on aurait pu leur demander pourquoi ils souffraient que l’Église, chez tant de peuples, conservât par ignorance ses relations avec des évêques condamnés, pourquoi ils s’étaient séparés de tant d’Églises innocentes, en laissant leur évêque de Carthage hors de la communion avec le monde entier. Ce fut à deux fins et à deux fins mauvaises qu’ils portèrent la cause de Cécilien aux Églises d’outre-mer ; une condamnation à force de ruse et de mensonge eût satisfait leur animosité passionnée ; à défaut d’une sentence conforme à leur haine, ils se promettaient de persister dans leur révolte et se réservaient d’annoncer qu’ils avaient eu de mauvais juges : c’est la coutume de tous les mauvais plaideurs, après que la manifestation de la vérité leur a donné tort. Mais on pouvait leur répondre en toute vérité Admettons que les évêques qui jugèrent à Rome n’aient pas été de bons juges ; il restait encore le concile général de l’Église universelle, où la cause pouvait reparaître avec les mêmes juges ; et si leur sentence eût été trouvée mauvaise, elle eût été cassée. Qu’ils prouvent qu’ils ont fait cet appel ; nous prouvons aisément, quant à nous, tout le contraire, par cela seul que le monde entier n’est pas en communion avec eux ; et, s’ils l’ont fait, là encore ils ont été vaincus : leur séparation en est elle-même un témoignage.

20. Toutefois, ce qu’ils tentèrent ensuite se montre suffisamment dans les lettres de l’empereur. Après qu’un jugement ecclésiastique d’une si grande autorité eut proclamé l’innocence de Cécilien et la perversité de ses accusateurs, ils n’en appelèrent point à d’autres collègues dans l’épiscopat, mais ils osèrent accuser les juges de Rome auprès. de l’empereur. Il leur donna d’autres juges à Arles, c’étaient d’autres évêques ; ce n’est pas qu’un examen nouveau lui parût nécessaire, mais il céda à leurs perverses instances, et voulut par tous moyens réprimer leur inexplicable audace. Malgré leurs plaintes bruyantes et menteuses, l’empereur était trop chrétien pour oser examiner lui-même ce qui venait de passer par le jugement d’évêques à Rome ; il institua un tribunal composé d’autres évêques, et les donatistes en appelèrent encore de ceux-ci à l’empereur : vous savez vous-mêmes combien il détesta leur conduite à cet égard. Plût à Dieu au moins que le jugement de l’empereur eût mis un terme à leurs coupables folies et qu’ils eussent enfin cédé à la vérité comme lui-même obtempéra à leurs désirs, quand, de guerre lasse, il examina leur, affaire après les évêques et dans le dessein de s’en excuser lui-même auprès des vénérables pontifes, mettant pour condition que les donatistes n’auraient plus rien à dire désormais, s’ils refusaient d’accepter la sentence impériale qu’ils avaient eux-mêmes provoquée ! L’empereur ordonna que les parties se rendissent à Rome pour plaider la cause. Cécilien ne s’y étant pas trouvé, par je ne sais quel motif, l’empereur, pressé par la partie adverse, lui ordonna de le suivre à Milan. Quelques-uns alors commencèrent à se dérober, s’indignant peut-être que Constantin n’eût pas fait comme eux et n’eût pas aussitôt et promptement condamné Cécilien absent ; le prévoyant empereur fit conduire les autres par des gardes à Milan. Cécilien s’y trouva et comparut devant l’empereur ; la cause fut jugée, et les lettres de Constantin attestent quelles précautions et quels soins précédèrent la sentence qui déclara l’innocence de Cécilien et la méchanceté des accusateurs.

21. Et pourtant ils baptisent encore hors de l’Église, et rebaptisent, autant qu’ils le peuvent, les enfants même de l’Église ; ils offrent le sacrifice dans la séparation et le schisme, et saluent par des souhaits de paix les peuples qu’ils éloignent de la paix du salut. L’unité du Christ est déchirée, l’héritage du Christ est blasphémé, on souffle sur le baptême du Christ ; ils ne veulent pas être punis de ces choses par la puissance humaine ordinaire qui leur épargne ainsi des peines éternelles pour de si grands sacrilèges. Nous leur reprochons la fureur du schisme, l’extravagance de la réitération