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DEPUIS LA CONFÉRENCE DE CARTHAGE JUSQU’A SA MORT. 397 effort pour porter vers lui ceux que nous ai- mons comme nous-mêmes. Carie Christ, c’est- à-dire la Vérité, nous enseio ;ne que toute la loi et les prophètes sont enfermés dans ces deux préceptes : aimer Dieu de toute âme , de tout cœur, de tout esprit, et aimer notre prochain comme nous-mêmes Le prociiain ici, ce n’est pas celui qui est notre proche par les liens du sang, mais par la communauté de la raison qui unit entre eux tous les hommes. Si la raison d’argent fait des associés, combien plus encore la raison de nature, qui ne nous unit point par une loi de commerce, mais par la loi de naissance ! Aussi le poète comique (car l’éclat de la vérité n’a pas manqué aux beaux génies), dans une scène où deux vieil- lards s’entretiennent, fait dire à l’un : « Vos « propres affaires vous laissent-elles tant de « loisirs que vous puissiez vous occuper de « celles d’autrui qui ne vous regardent pas ? » et l’autre vieillard répond : « Je suis homme, « et rien d’humain ne m’est étranger ^ » On dit que le théâtre tout entier, quoique les fous et les ignorants n’y manquassent pas, couvrit d’applaudissements ce trait du poète. Ce qui fait l’union des âmes humaines touche telle- ment au sentiment de tous, qu’il ne se ren- contra pas dans cette assemblée un seul homme qui ne se sentît le prochain d’un homme quel qu’il fût. 15. L’homme donc doit aimer Dieu et lui- même et le prochain de cet amour que la loi divine lui commande ; mais trois préceptes n’ont pas été donnés pour cela ; il n’a pas été dit : dans ces trois, mais « dans ces deux pré- ce copies sont enfermés toute la loi et les pro- « phètes : » c’est d’aimer Dieu de tout cœur, de toute âme, de tout esprit, et d’aimer son prochain comme soi-même. Par là nous de- jVons entendre que l’amour de nous-mêmes n’est pas différent de l’amour de Dieu. Car s’aimer autrement c’est plutôt se haïr ; l’homme alors devient injuste ; il est [)rivé de la lumière de la justice , lorsque se détour- înant du meilleur bien pour se tourner vers ]lui-même, il tombe à ce (jui est inférieur et misérable. Alors s’accomplit en lui ce qui est écrit : « Celui (lui aime rini(|uité hait son «âme*. )) C’est pourcjuoi, mil ne s’aimaiit lui-même s’il n’aime Dieu, après le précepte ’ Matth. XII, 37-40. ’ Tc’reiice. Heautontimorumenos (l’homme qui se punit lui-mOmc), acte I, scène i. • Ps. X, 6. de l’amour de Dieu il n’était pas besoin d’or- donner encore à l’homme de s’aimer , puisqu’il s’aime en aimant Dieu. Il doit donc aimer le prochain comme lui-même afm d’amener, lorsqu’il le peut, l’homme au culte de Dieu, soit par des bienfaits qui consolent, soit par des instructions salutaires, soit par d’utiles re- proches : il sait que dans ces deux préceptes sont enfermés toute la loi et les prophètes. 16. Celui qui, par un bon discernement, fait de ce devoir son partage, est prudent ; ne s’en laisser détourner par aucun tourment, c’est être fort ; par aucun autre plaisir, c’est être tempérant ; par aucun orgueil , c’est être juste. Quand on a obtenu de Dieu ces vertus par la grâce du Médiateur qui est Dieu avec le Père, et homme avec nous ; de Jésus-Christ, qui, après que le péché nous a laits ennemis de Dieu , nous réconcilie avec lui dans l’Esprit de charité ; (juand on a, dis-je, obtenu de Dieu ces vertus, on mène en ce monde une bonne vie, et, comme récompense, on reçoit ensuite la vie heureuse qui ne peut pas ne pas être éternelle. Les mômes vertus qui sont ici des actes ont là-haut leur effet ; ici c’est l’œuvre, là-haut la récompense ; ici le devoir ; là-haut la fin. C’est pounjuoi tous les bons et les saints, même au milieu des tourments où le secours divin ne leur manque pas, sont appelés heureux par l’espérance de cette fin qui sera leur bon- heur : s’ils demeuraient toujours dans les mêmes supplices et les mêmes douleurs, il faudrait les appeler malheureux, malgré toutes leurs vertus. 17. La piété, c’est-à-dire le vrai culte du vrai Dieu , sert donc à tout ; elle détourne ou adou- cit les misères de cette vie , elle conduit à celte vie et à ce salut oii nous n’aurons i)lus de mal à souffrir, où nous jouirons de l’éternel et souverain bien. Je vous exhorte, comme je m’exhorte moi-même , à vous montrer de plus en plus parfait dans cette voie de piété et à y persévérer. Si vous n’y marchiez pas, si vous n’étiez pas d’avis de faire servir à la piété les honneurs dont vous êtes revêtus, vous n’auriez pas dit, dans votre ordonnance destinée à ramener à l’unité et à la paix du Christ les do- natistes héréti(|ues : « C’est pour vous (pie cela « se lait ; c’est pour vous (jue traaillent et les « prêtres d’une foi incorruptible et l’empereur, « et nous-mêmes cpii sonuues ses juges ; «vous n’auriez i)as dit beaucou|) d’autres choses qui se trouvent dans celte ordonnance et par où