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382 LETTRES DE SAINT AUGUSTIN. — TROISIÈME SÉRIE. peines si ce n’est de faire du bien aux hommes ? Si tel n’était pas votre but, mieux vaudrait dor- mir nuit et jour que de vous consumer en des veilles laborieuses sans avantage pour les hom- mes. Je ne doute pas que voire excellence....’. LETTRE CLII. (Année 414.) Macédonius, vicaire d’Afrique, à qui saint Augustin s’était plus d’une fois adressé en faveur des gens coupables , lui demande de vouloir bien lui donner les raisons chrétiennes de l’interces- sion épiscopale auprès des hommes revêtus du pouvoir. MACÉDOMIS A SON SEIGNEUR ET PÈRE AUGUSTIN, si DIGNE DE RESPECT ET d’AFFECTIGN. i. J’ai reçu par Boiiiface, pontife d’une religion vénéi^abie, une lettre de votre sainteté vivement désiiée ; cet évèque a é é d’autant mieux accueilli qu’il m’ :; apporté ce que je souhaitais le plus, une lettre de vous et de bonnes nouvelles de votre santé , vénérable seigneur et Père , si digne de respect et d’affection. C’est pourquoi il a sans re- tard obtenu ce qu’il demandait, et comme il se présente une occasion, je ne veux pas rester sans récompense pour le peu que j’ai accordé à votre prière. Je désire en effet recevoir une récompense qui me serve , sans dommage pour celai qui la donne, ou plutôt pour sa gloire. 2. Vous dites qu’il est du devoir de votre sacer- doce d’intervenir pour les coupables ; vous vous blessez d’un refus, comme si robtenlion de la grâce demandée était attachée à votre ministère. Moi je doute beaucoup (pie cela soit dans l’esprit de la religion. Car si le Seigneur défend les péchés au point qu’après la première pénitence on n’y soit pas admis une seconde fois, comment pou- vons-nous prétendre au nom de la religion qu’un crime, quel qu’il soit, doive être pardonné ? C’est l’approuver que de ne pas vouloir qu’on le punisse. Et s’il est certain qu’il y ait autant de mal à approu- ver un péché qu’à le commettre, il est certain ([ue nous nous associons à une faute toutes les fois que nous désirons que le coupable demeure im- puni. Outre cela, quelque chose de plus grave ar- rive. Car tout péché parait plus pardonnable si le coupable promet de se corriger ; mais maintenant telles sont nos mœurs , qu’on désire à la luis la remise de la peine du crime et la possession de la chose pour laquelle le crime a été commis. Votre sacerdoce croit devoir aussi intervenir pour ceux dont on espère d’autant moins dans l’avenir, que dans le présent ils persévèrent dans la pensée de leur crime. Car celui qui retient si opiniâtrement ce qui lui a fait commettre le crime prouve bien qu’il recommencera ses mauvaises actions dès qu’il le pourra. 3. C’est pourquoi j’interroge sur ce point votre • La fia de cette lettre nous manque, mais nous croyons que ce qui manque est peu considérable. sagesse, et je désire sortir de mes doutes : je ne vous consulte que pour être fixé à cet égard. Au reste, j’ai rinlention de remercier même les in- tercesseurs, surtout ceux de voire mérite. J’aime ci concéder à de bons intercesseurs beaucoup de choses que je ne veux pas avoir l’air de faire de moi-même , de peur que d’autres ne s’arment de cette douceur pour commettre des crimes ; par là mes grâces, paraissant accordées au mérite d’un autre, n’ùlent rien à la sévérité du jugement. Vous m’aviez promis quelques écrits de votre sainteté, et je n’en ai pas reçu ; je vous prie de m’en en- voyer maintenant , et de vouloir bien répondre à ma lettre, ahn que, privé en ce moment de voir votre sainteté, je me nourrisse au moins de vos discours. Que l’éternelle divinité vous garde en bonne sanlé pendant une très-longue vie, véné- rable seigneur et l’ère, si digne de respect et d’af- fection ! LETTRE CLIII. (Année 414.) Saint Augustin, répondant à Macédonius, expose toute la pen- sée de notre religion sur la punition des crimes ; celle lettre mérite d’être lue et relue par tous ceux qui sont chargés de la justice humaine en ce monde. Elle fait aussi beaucoup penser à la question de la peine de mort dans les sociétés chrétiennes. Cette leltie qui va au fond de tant de choses est un monument du génie miséricordieux de l’Evangile. AUGUSTIN ÉVÈQUE, SERVITEUR DU CHRIST ET DE SA FAMILLE, A SON CHER FILS MACÉDONIUS, SALUT DANS LE SEIGNEUR. 1 ; Nous ne devons ni laisser sans réponse ni retenir par un exorde un homme aussi occupé ([ue vous dans l’Etat, anssi apidiqué que vous l’êtes non point à vos intérêts mais aux intérêts d’autrui, un homme que nous félicitons d’être ce qu’il est, tant pour lui que pour les affaires humaines. Recevez donc ce que yous m’avez demandé, soit pour l’apprendre de moi, soit pour YOus assurer si je le savais. Si le sujet vous avait seiublé petit ou superflu, vous n’au- riez |)as jugé à propos d’y donner votre atten- tion au milieu des grandes et nécessaires occu- pations de votre charge. t Yous me demandez pourquoi nous disons ’ « qu’il est du devoir de notre sacerdoce d’in- « tervenir pour les coupables » et pourquoi « nous nous blessons d’un refus comme si « l’obtention de la grâce était attachée à notre « ministère. » Vous dites que « vous doutez « beaucoup que cela soit dans l’esprit de la « religion. » Yous donnez ensuite les raisons qui vous font douter à cet égard. « Si le Sei- « gneur défend les péchés, dites-vous, au point