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que je l’ai remarqué plus haut, dans les Évangiles et les écrits des apôtres appartenant à la révélation du Nouveau Testament, en quels jours il faut particulièrement observer le jeûne, ce qui, joint à d’autres choses difficiles à énumérer, forme la variété dans la robe de la fille du roi qui est l’Église, je vous citerai ce que me répondit, à ce sujet, le vénérable Ambroise, évêque de Milan, par qui j’ai été baptisé. Ma mère se trouvait avec moi à Milan ; ceux qui n’étaient que catéchumènes, comme moi, s’occupaient peu de ces questions du jeûne, mais elle s’inquiétait de savoir si elle devait jeûner le samedi, selon la coutume de notre ville, ou ne pas jeûner, selon la coutume de l’Église de Milan. Voulant délivrer ma mère de sa peine, j’interrogeai cet homme de Dieu : « Puis-je enseigner là-dessus plus que je ne fais moi-même ? » J’avais cru que, par cette réponse, il nous avait seulement prescrit de ne pas jeûner le samedi ; je savais qu’il faisait ainsi lui-même ; mais il ajouta : « Quand je suis ici, je ne jeûne pas le samedi ; quand je suis à Rome, je jeûne le samedi : dans quelque Église que vous vous trouviez, dit-il encore, suivez sa coutume, si vous ne voulez ni souffrir ni causer du scandale. » Je rapportai à ma mère cette réponse qui lui suffit ; elle n’hésita pas à obéir : nous suivîmes nous-même cette règle. Mais parce qu’il arrive, surtout en Afrique, que, dans une même Église ou dans des Églises d’une même contrée, les uns jeûnent le samedi et les autres ne jeûnent pas, il me parait qu’on doit suivre l’usage de ceux à qui est confié le gouvernement spirituel de ces mêmes peuples. C’est pourquoi, si vous voulez bien vous en tenir à mon avis, surtout après que, par vos demandes et vos instances, j’ai parlé sur cette question plus longuement que suffisamment, ne résistez pas là-dessus à votre évêque, et faites, sans aucun scrupule et sans discussion, ce qu’il fait lui-même.

LETTRE XXXVII.

((Année 397.)

Saint Augustin se félicite que Simplicien, dont le souvenir se mêle aux premiers temps de sa conversion, ait lu et approuvé ses ouvrages ; il lui soumet tous ses écrits, et particulièrement ceux qu’il a composés pour le solution des questions que simplicien lui avait proposées. On trouvera ici des lignes admirables d’humilité et de candeur.

AUGUSTIN À SON TRÈS-SAINT ET TRÈS-VÉNÉRABLE SEIGNEUR ET BIEN-AIMÉ PÈRE SIMPLICIEN, SALUT DANS LE SEIGNEUR.

1. La lettre que j’ai reçue par une faveur de votre sainteté est pleine de bonnes et douces joies : vous vous souvenez de moi et vous m’aimez toujours, et, vous vous réjouissez des dons que le Seigneur a daigné m’accorder par sa miséricorde, et non point en considération de mes mérites : la paternelle affection que vous me témoignez dans votre lettre n’est pas subitement et nouvellement sortie de votre cœur ; je ne fais que retrouver ce que j’ai déjà connu et éprouvé, ô très-saint, très-vénérable et bien-aimé seigneur !

2. D’où m’est venu un si grand bonheur que vous ayez daigné lire les quelques ouvrages que j’ai péniblement composés ? Le Seigneur, à qui mon âme est soumise, aura voulu, je pense, consoler mes inquiétudes et calmer la crainte qu’il est nécessaire que j’éprouve en de telles œuvres : je tremble toujours de trébucher par ignorance ou par imprudence, quoique le champ de la vérité où je marche soit très-aplani. Lorsque ce que j’écris vous plaît, je sais à qui je plais, car je sais quel est Celui qui habite en vous. Il est lui-même le distributeur et le dispensateur de tous les dons, et rassurera mon obéissance par votre jugement. Pour tout ce qui dans mes écrits a mérité de vous plaire, Dieu a dit en se servant de moi : Que cela soit fait, et cela a été fait ; et en l’approuvant par vous il a vu que c’était bon[1].

3. Quand même mon intelligence resterait au-dessous des questions que vous avez daigné m’ordonner d’éclaircir, il me suffirait du secours de vos mérites pour les résoudre. Priez Dieu pour ma faiblesse, je vous le demande, et soit dans les choses que vous avez voulu paternellement me confier, soit dans tout autre travail de moi qui pourra tomber entre vos saintes mains, jugez-moi non-seulement comme un homme qui lit, mais encore comme un censeur qui corrige ; car si je reconnais dans mes ouvrages les parties qui viennent de Dieu, j’y reconnais aussi mes fautes. Adieu !

  1. Gen. I, 3-4