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à ce point les délices de ce siècle, délices courtes et impures, avec quelle plus violente ardeur ne doit-on pas – chercher les joies pures et infinies du siècle futur ? Que ces pensées vous empêchent de négliger les bonnes œuvres, afin que vous moissonniez un jour ce que vous aurez semé.

2. On m’a annoncé que vous ne vous êtes pas souvenus de votre coutume de vêtir les pauvres ; je vous exhortais à cet acte de miséricorde quand j’étais présent au milieu de vous : je vous y exhorte encore ; il ne faut pas vous laisser abattre et décourager par l’ébranlement de ce monde : ce que vous voyez arriver[1] a été prédit par notre Seigneur et Rédempteur qui ne peut lias mentir. Non-seulement vous ne devez pas diminuer vos œuvres de miséricorde, mais votas devez en faire plus que de coutume. De même qu’en voyant tomber les murs de sa maison, on se tire, en toute hâte, dans les lieux qui offrent un solide abri : ainsi, les cœurs chrétiens, sentant venir la ruine de ce monde par des calamités croissantes, doivent s’empresser de transporter dans le trésor des cieux les biens qu’ils songeaient à enfouir dans la terre, afin que, si quelque catastrophe arrive, il y ait de la joie pour celui qui aura abandonné une demeure croulante. S’il n’arrive rien, que personne ne regrette d’avoir confié ses biens en dépôt au Seigneur immortel devant lequel on paraîtra un jour, puisqu’on mourra. C’est pourquoi, mes frères bien-aimés, faites d’après vos ressources et chacun selon ses forces qu’il connaît lui-même, faites vos bonnes œuvres accoutumées et de meilleur cœur que jamais ; au milieu des peines de ce siècle, n’oubliez pas ces paroles de l’Apôtre : « Le Seigneur est proche, ne vous inquiétez de rien[2]. » Les nouvelles que je recevrai de vous me prouveront, je l’espère, que ce n’est point parce que j’étais présent que vous êtes restés fidèles à de généreuses coutumes pendant plusieurs années, mais que vous en agissiez ainsi pour obéir à Dieu, qui n’est jamais absent ; d’ailleurs, vous avez parfois accompli ces bonnes œuvres lors même que je n’étais pas là. Que le Seigneur vous conserve dans la paix ! et priez pour nous, frères bien-aimés.

LETTRE CXXIII.

(À la fin de l’année 410.)

Les commentateurs se sont exercés sur cette courte lettre de saint Jérôme ; le solitaire de Bethléem y présente sa pensée sous des voiles qui ne sauraient être entièrement soulevés ; les premières lignes ont évidemment trait à des hérétiques vaincus et non soumis ; et quant à la phrase sur Jérusalem et Nabuchodonosor, il faut entendre peut-être Rome au pouvoir d’Alaric et ne comprenant pas dans sa chute les enseignements divins.

SAINT JÉRÔME À SAINT AUGUSTIN.

Plusieurs boitent des deux pieds ; et quoique leur tête soit fracassée, ils ne la baissent pas ; ils n’ont plus la même liberté pour publier leurs erreurs, mais ils y demeurent attachés.
Les saints frères qui sont avec moi, surtout vos saintes et vénérables filles[3], vous saluent humblement. Je prie votre grandeur de saluer en mon nom vos frères, mes seigneurs Alype et Evode.
Jérusalem, prise et occupée par Nabuchodonosor, ne veut pas écouter les conseils de Jérémie elle préfère l’Égypte pour mourir, à Taphné[4], et périr dans une éternelle servitude.

  1. Allusion aux calamités qui tombaient alors sur le monde livré aux Barbares.
  2. Philip. IV, 5.
  3. Paula, Eustochium, etc.
  4. Tanis.