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avec les sièges même des apôtres, et, à l’aide d’un petit nombre d’hommes pieusement instruits et véritablement spirituels, il l’a armée de tout l’appareil d’une raison invincible ; la meilleure manière à suivre, c’est d’abriter les faibles dans la : citadelle de la foi, et, après les avoir mis en sûreté, de combattre pour eux avec toutes les forces de la raison.

33. Au milieu de tout le bruit que faisaient les faux philosophes avec leurs erreurs, les platoniciens, n’ayant pas une personne divine pour commander la foi, avaient mieux aimé cacher leur sentiment pour le faire chercher, que de le compromettre. Lorsque le nom du Christ eut retenti au sein des royaumes ravis et troublés, ils commencèrent à se montrer pour découvrir et enseigner ce qu’avait pensé Platon. Alors fleurit à Rome l’école de Plotin qui eut pour disciples beaucoup d’hommes ingénieux et pénétrants. Mais quelques-uns d’entre eux se laissèrent corrompre par une étude curieuse, de la magie ; d’autres, reconnaissant que le Seigneur Jésus-Christ était lui-même cette Vérité, cette Sagesse immuable qu’ils s’efforçaient d’atteindre, passèrent sous ses drapeaux. C’est ainsi que, pour la régénération et la réforme du genre humain, le plus haut point d’autorité et la plus haute lumière de la raison se trouvèrent établis dans ce seul nom du Christ et dans sa seule Église.

34. Vous auriez aimé peut-être autre chose, mais je ne me repens point de vous avenir longuement parlé de tout ceci dans ma lettre, car vous le trouverez bon, à mesure que vous ferez des progrès dans la vérité, et vous m’approuverez alors d’avoir tenu peu compte aujourd’hui de ce que vous jugiez utile à vos études. J’ai cependant répondu dans cette lettre à quelques-unes de vos questions, et, quant à presque toutes les autres, j’y ai répondu brièvement, comme j’ai pu, par des annotations sur les parchemins mêmes où vous me les aviez écrites. Si vous pensez que ce soit trop peu ou autre chose que ce que vous vouliez, vous savez mal, mon cher Dioscore, à qui vous vous êtes adressé. J’ai passé outre sur toutes les questions de l’Orateur et des livres de l’Orateur. Si je m’y étais arrêté, j’aurais eu l’air de je ne sais quel diseur de badinage. Je pourrais décemment être interrogé sur les autres questions, si on m’en proposait la solution, en considérant ces choses en elles-mêmes, et non point comme tirées des livres de Cicéron. Mais, dans ces livres, les choses elles-mêmes ne conviennent guère maintenant à mon état. Du reste, je n’aurais rien fait de ce que vous venez de lire si, après la maladie où m’a trouvé votre homme, je ne m’étais pas un peu éloigné d’Hippone ; puis, j’ai été de nouveau malade et repris par la fièvre. Voilà pourquoi ceci vous est tardivement envoyé ; je vous demande de me dire comment vous l’aurez reçu. 

LETTRE CXIX.


(Année 410.)

Consentius, dont on va lire une lettre, était un laïque éclairé, plein d’admiration pour saint Augustin, et qui s’était exercé sur les matières religieuses. Il habitait une des Iles de la Méditerranée, peut-être une des îles Baléares ; quand il écrivit cette lettre au grand évêque, il se trouvait en Afrique, probablement assez près d’Hippone ; il lui soumet sa foi et lui demande de l’instruire sur le mystère du Dieu en trois personnes, C’est à Consentius que saint Augustin a adressé le livre contre le mensonge.

CONSENTIUS AU VÉNÉRABLE SEIGNEUR ET BIENHEUREUX PAPE AUGUSTIN.

1. Je m’étais déjà recommandé en peu de mots à votre saint frère l’évêque Alype, dont les vertus m’inspirent tant de respect : j’espérais qu’il daignerait appuyer auprès de vous mes prières. Mais privé de votre présence par l’obligation d’aller à la campagne, j’aime mieux m’adresser à vous par lettre que d’attendre avec incertitude ; d’autant plus que, si ma prière vous parait devoir être accueillie, la solitude du lieu où maintenant vous êtes pourra, je crois, plus aider votre esprit à pénétrer dans les profonds mystères. Quant à moi, le sentiment qui me sert de règle, c’est qu’il faut atteindre les vérités divines par la foi plus que par la raison ; car si c’était le raisonnement, et non point une piété soumise, qui conduisit à la foi de la sainte Église, les philosophes et les orateurs seraient seuls admis à posséder la béatitude. Mais, parce qu’il a plu à Dieu de choisir ce qu’il y a de plus faible en ce monde pour confondre ce qu’il y a de plus fort, et de sauver les croyants par la folie de la prédication, nous devons plutôt suivre l’autorité des saints que de demander raison des choses divines. Les ariens, qui regardent comme moindre le Fils que nous reconnaissons avoir été engendré, ne persisteraient pas dans cette impiété, et les macédoniens ne chasseraient pas, autant qu’il est en eux, du sanctuaire de la divinité l’Esprit-Saint que nous ne croyons ni engendré ni non engendré, s’ils aimaient mieux conformer leur foi aux saintes Écritures qu’à leurs raisonnements.

2. Cependant, homme admirable, si notre Père, qui seul connaît les secrets, qui a la clef de David[1], vous a accordé le privilège de pénétrer dans les cieux par la pureté du cœur et de contempler la

  1. Apoc. III, 7.