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ceux qui vous adorent. Ne nous abandonnez pas à jamais, Seigneur, nous vous le demandons à cause de votre nom ; ne rejetez pas votre alliance, ne nous retirez pas votre miséricorde, à cause d’Abraham que vous avez aimé, à cause d’Isaac votre serviteur, et d’Israël votre saint, à qui vous avez promis que vous multiplieriez leur race comme les étoiles du ciel et le sable de la mer ; car Seigneur, nous sommes devenus bien petits en comparaison de toutes les nations, et nous comptons aujourd’hui pour peu sur la terre à cause de nos péchés[1]. » Vous voyez mon frère, quels étaient ces hommes, combien ils étaient saints et forts au milieu de la tribulation qui pourtant les épargnait et des flammes qui craignaient de les toucher ; et toutefois ils confessaient leurs fautes, et reconnaissaient tout haut que c’est avec justice que la main de Dieu les humiliait. Pouvons-nous aussi mieux valoir que Daniel lui-même ? c’est de lui que Dieu a dit au prince de Tyr par la bouche d’Ézéchiel : « Es-tu plus sage que Daniel[2] ? » Il est un des trois justes que Dieu déclare vouloir seuls délivrer, montrant en eux trois formes de justes[3] auxquels la délivrance est promise, sans qu’ils puissent la communiquer à leurs enfants. Ces justes sont Noé, Daniel et Job. Lisez cependant la prière de Daniel, voyez comment, durant sa captivité, il confesse non-seulement ses péchés, mais encore les péchés de son peuple, et comment il déclare que lui et son peuple ont mérité de la justice divine la peine et la honte de cette captivité. Voici ce qui est écrit : « Et je tournai ma face vers le Seigneur Dieu pour chercher à le prier et le conjurer dans le sac et les jeûnes, et je suppliai le Seigneur Dieu, et je confessai mes fautes, car je dis : Seigneur Dieu, grand et admirable, qui gardez votre alliance et votre miséricorde à ceux qui vous aiment et qui observent vos commandements, nous avons péché, nous avons agi contre la loi, nous avons commis des actions impies, et nous nous sommes éloignés et retirés de vos préceptes et de vos jugements, et nous n’avons point écouté vos serviteurs les prophètes qui parlaient en votre nom à nos rois et à tous les peuples de la terre. À vous, Seigneur, la justice, à nous la confusion du visage, comme elle est aujourd’hui sur l’homme de Juda, sur les habitants de Jérusalem, sur tout Israël, sur ceux qui sont proche, sur ceux qui sont au loin dans toutes les contrées où vous les avez dispersés à cause de leur opiniâtreté, parce qu’ils se sont tournés contre vous, Seigneur. À nous la confusion du visage, à nos rois, à nos chefs, à nos pères, à nous tous qui avons péché. À vous, Seigneur notre Dieu, appartiennent la miséricorde et le pardon, car nous nous sommes retirés de vous, et nous n’avons pas écouté la voix du Seigneur notre Dieu pour rester dans les préceptes de cette loi qu’il a donnée sous nos yeux par ses serviteurs les prophètes. Et tout Israël a péché contre votre loi et s’est détourné pour ne pas entendre votre voix ; et la malédiction et l’imprécation marquées dans le livre de Moïse, serviteur de Dieu, sont tombées sur nous, parce que nous avons péché ; et le Seigneur a accompli ses oracles prononcés contre nous et nos juges pour nous accabler de maux auxquels rien sous le ciel ne peut être comparé, selon ce qui est arrivé dans Jérusalem. Tous ces maux sont venus vers nous, comme il est écrit dans le livre de Moïse, et nous n’avons pas prié le Seigneur notre Dieu de détourner de nous nos iniquités et de nous faire comprendre sa vérité tout entière. Et l’œil du Seigneur Dieu s’est ouvert sur tous ses saints, et nos maux sont partis de sa justice ; car le Seigneur notre Dieu est équitable dans tout ce monde qui est son ouvrage et nous n’avons pas écouté sa voix. Et maintenant, Seigneur notre Dieu, vous qui, d’une main puissante, avez tiré votre peuple de la terre d’Egypte, et avez fait éclater votre nom comme il éclate aujourd’hui, nous reconnaissons que nous avons violé votre loi. Seigneur, éloignez de nous, dans votre miséricorde, votre impétuosité vengeresse, éloignez votre colère de votre ville de Jérusalem et de votre sainte montagne. C’est à cause de nos péchés et des iniquités de nos pères que Jérusalem et votre peuple sont en opprobre à tous les peuples qui nous environnent. Et maintenant, ô notre Dieu, exaucez les vœux et la prière de votre serviteur, et montrez-nous votre face pour rétablir votre sanctuaire

  1. Dan. III, 26-37.
  2. Ezéch. XXVIII, 3.
  3. On pourra voir le développement de cette pensée dans le discours ou traité de saint Augustin sur la ruine de Rome. Noé, dit le saint docteur, représente les supérieurs qui gouvernent fidèlement l’Église. Daniel, les hommes qui vivent saintement dans la continence ; et Job ceux qui honorent le mariage par la justice de leurs œuvres. (De la ruine de Rome, chap I.)