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Et toutefois vous ne voudriez pas pouvoir exécuter ce que vous avez promis, car ce serait une offense faite à des gens dont l’audace est regardée par vos prêtres comme un secours trop nécessaire ; ces gens en effet rappellent tout haut les services qu’ils vous ont rendus, ils montrent, ils comptent les lieux et les basiliques qu’ils ont remis entre les mains de vos prêtres après en avoir expulsé les catholiques : c’était avant cette loi[1], qui, à votre grande joie, vous avait rendu votre liberté ; et si vous vouliez vous montrer sévères à leur égard, vous passeriez pour des ingrats.

19. On fuit l’unité, afin que tous ceux qui secouent parmi nous le joug de la discipline catholique s’enfuient vers ces scélérats pour chercher un asile et vous soient ensuite offerts pour être rebaptisés. Il en a été ainsi du sous-diacre Rusticien, de ce pays, au sujet duquel j’ai été obligé de vous écrire avec beaucoup de douleur et de crainte ; ses mœurs détestables l’ont fait excommunier par son prêtre ; il est couvert de dettes dans ce pays ; afin d’échapper aux lois ecclésiastiques et à ses créanciers, il n’a rien trouvé de mieux que de vous prier de porter de nouvelles plaies à son âme[2] et de se faire aimer des gens de votre parti comme le plus pur des hommes. Déjà votre prédécesseur[3] avait rebaptisé un de nos diacres de la même espèce, excommunié par son prêtre, et l’avait fait diacre dans vos rangs ; peu de jours après, réuni à ces bandits qu’il avait désiré avoir pour compagnons, il fut tué dans une entreprise nocturne où il avait mêlé l’incendie à la violence, par une multitude accourue pour le repousser. Tels sont les fruits de ce mal de la division que vous ne voulez pas guérir, puisque vous fuyez l’unité comme on doit fuir la division elle-même ; elle serait déjà par elle-même horrible et abominable à Dieu, lors même qu’il n’en sortirait pas tant de crimes et de calamités.

20. Reconnaissons donc, mon frère, la paix du Christ, et gardons-la également ; appliquons-nous à être bons ensemble, autant que Dieu nous en fera la grâce ; ensemble ramenons les méchants en les soumettant à la règle autant que nous le pourrons et sans briser l’unité ; et dans l’intérêt de cette même unité supportons-les avec toute la patience possible ; de peur que, selon les paroles du Christ[4], nous n’arrachions le froment en voulant arracher l’ivraie avant le temps, l’ivraie que le bienheureux Cyprien assure n’être pas hors de l’Église, mais dans l’Église. Car vous n’avez pas certainement des privilèges particuliers de sainteté ; il n’est pas vrai que ceux qui parmi nous sont mauvais nous souillent, et que le mal qui est chez vous ne vous souille pas ; que nous soyons souillés par je ne sais quelle ancienne lâcheté des traditeurs que nous ignorons, et que vous ne le soyez point par la criminelle audace des misérables qui sont sous vos yeux. Reconnaissons cette arche qui a été une figure de l’Église ; soyons-y tous ensemble comme des animaux purs, mais ne refusons point d’y rester avec les animaux impurs, jusqu’à la fin du déluge. Ils furent ensemble dans l’arche ; mais ce n’est point avec les animaux immondes que Noé offrit un sacrifice au Seigneur[5], et pourtant les purs ne quittèrent pas l’arche avant le temps, quoique réunis à des impurs : le corbeau seul l’abandonna, et se sépara de cette communauté avant le temps ; mais il appartenait aux deux paires d’animaux immondes et non point aux sept paires d’animaux purs : détestons l’impureté de cette séparation. Ce seul fait de la séparation rend condamnables ceux que leurs mœurs auraient pu recommander auparavant ; le fils méchant se donne pour juste, mais ne se lave point pour cela de sa sortie ; il a beau laisser éclater son insolent orgueil et oser dire dans son aveuglement ces paroles réprouvées par le Prophète : « Ne me touchez pas, parce que je suis pur[6]. » Ainsi quiconque veut, avant le temps et à cause de la souillure de quelques-uns, abandonner l’unité comme l’arche du déluge qui portait les purs et les impurs, prouve qu’il est lui-même atteint de ce qu’il prétend fuir. Dieu a voulu que dans cette ville votre peuple, par la bouche de…… (Il manque ici vingt-sept lignes dans le manuscrit du Vatican d’où a été tirée la lettre CVIII .)

  1. La loi de Julien l’Apostat.
  2. Par la réitération du baptême.
  3. Proculéien.
  4. Matt. XIII, 29 et 30.
  5. Gen. VII, VIII.
  6. Isaïe, LXV, 5.