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dont le mauvais usage est un danger. Quand des médecins jugent, qu’il faut brûler ou couper ce qui est pourri, ils sont miséricordieux en – ne tenant aucun compte des larmes qu’ils voient couler. Si, petits enfants, ou même déjà un peu grands, nous avions toujours obtenu grâce de nos parents ou de.nos maîtres, qui de nous ne serait devenu insupportable ? qui de nous eût appris quelque chose de bon ? ces peines s’infligent non point par cruauté, mais par prévoyance. Je vous en prie, ne cherchez pas uniquement en tout ceci à satisfaire aux désirs de vos concitoyens ; pesez soigneusement toute chose. Si vous ne pensez point au passé, et le, mal passé ne peut plus ne pas être, songez un peu à l’avenir ; réfléchissez, non pas à ce que demandent et souhaitent vos concitoyens, mais à ce qui leur est bon. Nous ne prouverons pas certainement que nous les aimons beaucoup, si nous ne nous préoccupons que de la crainte d’être moins aimés d’eux, en ne pas faisant ce qu’ils désirent. Et n’est-ce pas dans vos propres livres qu’on rend hommage au chef de la patrie plus attentif à servir le peuple qu’à faire sa volonté ?

8. « La qualité de la faute, dites-vous, importe peu lorsqu’on demande pardon. » Vous auriez raison de dire cela quand il s’agit, non pas de punir, mais de corriger ses hommes. À Dieu ne plaise, qu’un cœur chrétien se laisse aller à condamner quelqu’un pour le plaisir de la vengeance ! A Dieu ne plaise que pour pardonner il attende ou fasse attendre une prière ! Le devoir du chrétien est ici de se défendre de toute haine, de ne pas rendre le mal pour le mal, d’éteindre dans son âme – tout désir de nuire, de ne chercher aucune satisfaction dans le châtiment.ordonné par la loi ; son devoir n’est pas de ne pourvoir à rien, de fermer les yeux et de laisser faire les méchants. Car il peut arriver qu’un homme, enflammé de haine contre un autre, ne fasse rien pour le corriger, et que rempli d’amour pour quelqu’un il l’afflige en voulant le rendre meilleur.

9. « Le repentir, comme vous l’écrivez, obtient le pardon et purifie le coupable ; » mais c’est le repentir inspiré par la vraie religion et qui se préoccupe du futur jugement.de Dieu ; et non pas celui qui se produit ou dont on fait semblant sur l’heure, moins en vue d’effacer une faute pour l’éternité, que pour épargner un tourment à cette périssable vie. Ainsi, les chrétiens qui ont.participé aux désordres de Calame, soit en ne portant pas secours à l’église livrée au feu, soit en prenant leur part de rapines impies, et qui ont avoué leurs fautes et demandé pardon, se sont montrés avec un douloureux repentir à l’efficacité duquel nous croyons ; ce qui suffit à leur correction, c’est cette foi de leurs âmes qui leur apprend tout ce qu’ils doivent redouter du jugement de Dieu. Mais quel repentir pourrait guérir ceux qui non-seulement négligent de reconnaître la source divine au pardon, mais : même ne cessent de s’en moquer et de la blasphémer ? et pourtant nous ne gardons dans notre cœur aucune animosité contre eux, Dieu le sait et le voit, lui dont nous craignons le jugement et dont nous espérons le secours.dans la vie présente et dans la vie future. Nous pensons même ne leur être pas inutile, si ces hommes qui ne craignent : pas Dieu craignent quelque chose, qui ne soit pas une atteinte à leurs besoins mais un coup porté à leur superflu. Il ne faut pas qu’une déplorable sécurité devienne pour eux une raison d’offenser plus audacieusement ce Dieu qu’ils méprisent, et inspire à d’autres le désir de les imiter et même de faire pis. Enfin nous prions Dieu pour ceux en faveur de qui vous nous priez, mais c’est pour qu’il les ramène vers lui, pour qu’il purifie leurs âmes par le foi, et qu’il leur apprenne à faire une véritable et salutaire pénitence.

10. Vous nous permettrez donc de vous le dire : nous aimons plus que vous, nous aimons d’une affection d’autant plus réglée et plus utile ceux contre qui vous nous croyez courroucés, que nous demandons pour eux qu’ils évitent de plus grands maux et qu’ils obtiennent de plus grands biens. Si vous les aimiez à votre tour comme Dieu veut qu’on aime et non pas comme les hommes ont coutume d’aimer ; si vous étiez sincère dans ce que vous me dites de votre plaisir à m’entendre vous exhorter au culte et à la religion du Dieu qui est au-dessus de tous, non-seulement vous souhaiteriez à vos concitoyens ces biens religieux, mais vous les devanceriez vous-même à la poursuite de ce bien divin. C’est ainsi que toute cette affaire entre vous et moi se terminerait avec une grande et pieuse joie. C’est ainsi que vous mériteriez cette céleste patrie vers laquelle je vous invitais à lever les yeux et dont vous avez aimé, dites-vous, à m’entendre : parler ; vous la mériteriez en témoignant un