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peine que vous pourriez juger entre nous dans une question de cette évidence ; en même temps que vous appréhendez de juger, vous n’hésitez pas, sans avoir entendu les parties, à vous prononcer pour l’une des deux ! mais je laisse cela pour le moment. Je n’avais demandé rien autre à votre honorable Bénignité (daignez au moins le remarquer dans cette seconde lettre}, que de savoir de Proculéien s’il a dit lui-même à son prêtre Victor ce que font dire à celui-ci les registres publics, ou si, à la place de sa véritable déclaration, les envoyés ont écrit quelque chose de faux : je désirais savoir aussi les intentions de Proculéien sur la conférence proposée entre nous. On ne constitue pas juge, ce me semble, un homme qu’on se borne à prier d’en interroger un autre, et qu’on supplie de vouloir bien transmettre la réponse. C’est aussi uniquement cela que je vous demande encore, puisque Proculéien ne veut plus recevoir de mes lettres : si je n’avais pas éprouvé ses refus, je n’aurais pas eu recours à votre Excellence. Les choses étant ainsi, que puis-je faire de plus doux que de chercher à l’amener à parler sur un sujet où mon devoir me défend de me taire, par l’intermédiaire d’un homme aussi considérable que vous et qui l’aimez ? Vous condamnez la criminelle conduite du fils envers sa mère ; si Proculéien l’avait su, dites-vous, il aurait retranché de sa communion ce coupable jeune homme. A cela je réponds d’un mot : aujourd’hui il le sait, qu’il le repousse aujourd’hui.

2. Maintenant, voici autre chose : un ancien sous-diacre de l’Église de Spane, appelé Primus, entretenait avec des religieuses des relations anticanoniques qu’on voulait faire cesser ; comme il méprisait les bons avis qui le rappelaient à la règle, on lui a fait quitter la cléricature ; dans son irritation contre la discipline de Dieu, il a passé aux donatistes et a été rebaptisé. Deux religieuses qui habitaient le même fonds de terre appartenant à des chrétiens catholiques, soit que le sous-diacre les ait enlevées, soit qu’elles l’aient volontairement suivi, ont reçu une seconde fois le baptême. Le voilà aujourd’hui avec des bandes vagabondes de circoncellions, avec des troupes de femmes qui ne veulent pas de maris pour ne pas avoir à obéir ; il se réjouit et fait le superbe dans des orgies de détestable ivrognerie, se félicitant d’avoir obtenu pour vivre mal une large liberté que lui refusait l’Église catholique. Proculéien ignore peut-être aussi tout cela. Donnez-lui-en donc connaissance avec votre gravité et votre modération, afin qu’il éloigne de sa communion celui qui ne l’a choisie qu’après avoir perdu son rang dans le clergé catholique, à la suite de son insoumission et du désordre de ses mœurs.

3. Quant à moi, je procède autrement, par la grâce de Dieu, à l’égard de quiconque se présente pour entrer dans l’Église catholique, après avoir été frappé d’une dégradation chez les donatistes ; il est reçu dans l’humiliation de la même pénitence à laquelle il aurait pu. être condamné s’il avait voulu rester au milieu d’eux. Considérez, je vous prie, combien au contraire leur conduite est exécrable : ils veulent que ceux que nous avons repris de leurs fautes dans la discipline ecclésiastique répondent qu’ils sont païens, pour recevoir et mériter un second baptême ; c’est néanmoins pour que ce mot ne tombât point d’une bouche chrétienne, que le sang de tant de martyrs a coulé : de plus, ces prétendus hommes nouveaux et sanctifiés, devenus plus mauvais qu’auparavant, sous l’apparence d’une grâce nouvelle, insultent, par le sacrilège d’une nouvelle fureur, à la discipline qu’ils n’ont pas pu supporter. Si je fais mal en cherchant à empêcher ces choses par votre intervention bienveillante, personne ne se plaindra que je les porte à la connaissance de Proculéien par les registres publics qui ne peuvent pas m’être refusés, je pense, dans une ville romaine[1]. Comme Dieu commande que nous parlions et que nous annoncions sa parole, que nous réfutions ceux qui enseignent ce qu’il ne faut pas, et que nous pressions à temps et à contretemps[2], ainsi que je le prouve par les témoignages du Seigneur et des apôtres[3], nul homme ne doit s’imaginer qu’il me persuadera de garder le silence. S’ils osent commettre des violences et des brigandages, le Seigneur sera là pour défendre son Église, qui a soumis au joug du Christ et réuni dans son sein tous les royaumes de l’univers.

4. Nous avions parmi nous, comme catéchumène, la fille d’un certain fermier de l’Église ; les donatistes ayant trompé sa foi, malgré les efforts de ses parents, l’ont rebaptisée et en ont même fait une religieuse ; la sévérité paternelle voulait la ramener de force à la communion catholique, mais j’ai déclaré

  1. Hippone jouissait des droits de colonie romaine
  2. II Tim. IV, 2
  3. Tit. I, 9-11