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une action impie ; ils refusaient la santé à des membres du Christ, ôtaient les clefs de l’Église devant ceux qui frappaient à la porte, se mettaient cruellement en contradiction avec la miséricordieuse puissance de Dieu, qui laisse vivre les coupables afin de les guérir par le repentir, par le sacrifice d’un esprit contrit et l’oblation d’un cœur affligé. Cependant leur erreur barbare et leur impiété ne souillaient pas les évêques miséricordieux et pacifiques, restés en communion chrétienne avec eux et les supportant dans les filets de l’unité, jusqu’à la séparation qui doit se faire sur le rivage ; et s’il y eut alors souillure, l’Église périt par la communion des méchants, et il n’y eut plus d’Église pour enfanter Cyprien lui-même. Mais si, ce qui est certain, l’Église demeura, il devient également certain que les fautes d’autrui ne peuvent souiller personne dans l’unité du Christ, tant qu’on n’adhère pas à ce qui est mal, ce qui serait se souiller en participant aux péchés mêmes ; et que c’est à cause des bons qu’on supporte ceux qui ne le sont pas, comme la paille qu’on souffre dans l’aire du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne la vanner au dernier jour. Cela étant, quel motif reste-t-il pour votre schisme ? N’êtes-vous pas de mauvais fils, qui vous donnez pour justes, et qui ne pouvez vous laver de la honte de la séparation ?

43. Si maintenant je voulais vous rappeler ce qu’a dit dans ses livres Tichonius, homme de votre parti, qui a plutôt écrit pour l’Église catholique que pour vous, et a reconnu qu’il s’était séparé sans raison de la communion des prétendus traditeurs africains, ce qui a suffi à Parménien pour lui fermer la bouche ; que pourriez-vous répondre, si ce n’est ce qu’il a dit lui-même de vous et que j’ai cité un peu plus haut : « Ce qui est saint, c’est ce que nous voulons ? » Tichonius, homme de votre communion, comme je l’ai déjà dit, parle de la réunion d’un concile à Carthage, composé de deux cent soixante-dix évêques de votre parti, et où, après une délibération qui dura soixante-quinze jours, toute autre affaire cessant, il fut décidé que si les traditeurs, coupables d’un crime immense, ne voulaient pas être rebaptisés, on ne laisserait pas de rester en communion avec eux comme s’ils étaient innocents. Il dit que Deutérius de Macriane, un de vos évêques, avait admis sans distinction dans son Église une multitude de traditeurs ; que conformément aux décrets de ce concile de deux cent soixante-dix évêques de votre parti, il refit l’unité avec les traditeurs, et que, depuis lors, Donat demeura en communion, non-seulement avec Deutérius, mais encore pendant quarante ans avec tous les évêques de la Mauritanie, lesquels, dit-il encore, avaient communiqué avec les traditeurs, sans leur réitérer le baptême, jusqu’à la persécution de Macaire.

44. Mais, observez-vous : Que me fait ce Tychonius ? Ce Tychonius est celui que Parménien, dans ses réponses, cherche à retenir, et qu’il voudrait empêcher d’écrire de pareilles choses ; il ne les réfute pas toutefois ; mais, en le voyant s’exprimer ainsi sur l’Église répandue par toute la terre, et sur ce que les fautes d’autrui ne sauraient souiller personne dans l’unité catholique, il lui demande pourquoi il demeure éloigné des évêques africains comme pour se préserver de la contagion des traditeurs, et pourquoi il s’est mis dans le parti de Donat. Parménien aurait mieux aimé dire que Tychonius avait menti sur tous ces points ; mais, ainsi que Tychonius le rappelle, bien des gens vivaient encore qui auraient montré que ces choses étaient très-certaines et très manifestes.

45. En voilà assez là-dessus : soutenez à votre aise que Tychonius en a menti ; je reviens à Cyprien que vous avez invoqué vous-même. Il est certain, d’après ses écrits, due si, dans l’unité, chacun est souillé par les péchés d’autrui, l’Église avait déjà péri avant Cyprien, et, chrétiennement parlant, Cyprien ne pouvait pas exister. Or, si une semblable opinion est un sacrilège, et s’il est certain que l’Église demeurait, nul n’est souillé par les fautes d’autrui dans l’unité catholique, et, mauvais fils, vous vous donnez vainement pour justes ; vous restez avec le tort de votre séparation.

46. Vous me dites : Pourquoi donc nous cherchez-vous : pourquoi accueillez-vous ainsi ceux que vous appelez hérétiques ? Voyez comme je vais vous répondre aisément et brièvement. Nous vous cherchons parce que vous périssez, afin de pouvoir nous réjouir du retour de ceux dont la perte nous affligeait. Nous disons que vous êtes hérétiques, mais c’est avant votre conversion à la paix catholique, c’est avant que vous vous dépouilliez de l’erreur dont vous êtes enveloppés. Quand vous revenez vers nous, vous laissez ce que vous étiez auparavant, vous ne nous revenez pas hérétiques.