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donc plus des calomnies dans les écrits des évêques, soit de ceux qui sont restés au milieu de notre communion depuis votre séparation, comme Hilaire ; soit de quelques autres d’une époque antérieure au schisme de Donat, comme Cyprien et Agrippin[1]. D’abord ces écrivains-là n’ont pas l’autorité des auteurs canoniques ; on ne les lit pas pour en tirer des preuves qui ne permettent pas des sentiments contraires, et avec la pensée qu’ils ne peuvent dire que la vérité. Car nous nous mettons au nombre de ceux qui ne dédaignent pas de s’appliquer cette parole de l’Apôtre : « Si vous avez un sentiment qui ne soit pas conforme à la vérité, Dieu vous éclairera. Cependant, pour les choses que nous sommes parvenus à savoir, marchons-y[2], » c’est-à-dire marchons dans cette voie qui est le Christ, et dont parle ainsi le Psalmiste : « Que Dieu ait pitié de nous et nous bénisse ; qu’il fasse briller sur nous son visage, pour que nous connaissions, Seigneur, votre voie sur la terre, et votre salut au milieu de toutes les nations[3] ! »

36. Ensuite, si vous aimez l’autorité de saint Cyprien, évêque et glorieux martyr, autorité que nous ne confondons pas, ainsi que je l’ai dit, avec celle des auteurs canoniques, pourquoi ne l’aimez-vous pas aussi quand il garde par amour et qu’il défend dans ses écrits l’unité du monde et de toutes les nations ; quand il ne voit que de la présomption et de l’orgueil dans ceux qui auraient voulu se séparer de cette unité, comme étant les seuls justes, et qu’il se moque de leur prétention à s’attribuer ce que le Seigneur n’accorda point aux apôtres, c’est-à-dire le privilège d’arracher l’ivraie avant le temps, de nettoyer l’aire et de séparer la paille du bon grain ; quand il a montré que nul ne peut être souillé par les péchés d’autrui, répondant ainsi à ce qui sert de motif à tous les déchirements impies ; quand sur les points même où il a pensé autrement qu’il ne fallait, il n’a jamais demandé que les évêques d’un sentiment contraire au sien fussent jugés ou retranchés de sa communion ; quand, dans cette lettre à Jubaïen, qui fut d’abord lue au concile[4], dont vous invoquez l’autorité pour rebaptiser, tout en avouant qu’au temps passé l’Église admettait dans son sein, sans leur conférer de nouveau le baptême, des chrétiens baptisés dans des communions séparées, et en croyant ainsi qu’ils étaient sans baptême ; il attache un si grand prix à la paix de l’Église, que pour la conserver il n’exclut pas ces chrétiens des fonctions du sanctuaire ?

37. Ceci renverse et détruit totalement votre parti, et je connais trop votre esprit pour que vous n’en soyez pas frappé. Car, s’il suffit, comme vous le dites, de communiquer avec des pécheurs pour que l’Église périsse sur la terre (et c’est pour cela que vous vous êtes séparés de nous), elle avait déjà péri tout entière lorsque, selon l’opinion de Cyprien, elle admettait dans son sein des gens sans baptême ; dans ce cas il n’y avait plus d’Église où Cyprien lui-même pût naître à la foi, et bien moins encore votre chef et votre père Donat, venu au monde longtemps après Cyprien. Mais, si à l’époque où les gens sans baptême étaient admis, il y avait cependant une Église qui enfantait Cyprien, qui enfantait Donat, il en résulte clairement que les justes ne sont pas souillés par les fautes d’autrui, quand ils communiquent avec les pécheurs. Il vous devient donc impossible de justifier la séparation par laquelle vous êtes sortis de l’unité, et en vous s’accomplit cet oracle de la sainte Écriture : « Le fils méchant se donne pour juste, mais il ne se lave pas de la souillure de sa séparation[5]. »

38. On ne s’égale pas à Cyprien parce que, à cause de la similitude des sacrements, on n’ose pas rebaptiser les hérétiques eux – mêmes, comme on ne s’égale pas à Pierre parce qu’on ne force pas les gentils à judaïser. Cette faute de Pierre, sa correction même sont renfermées dans les Écritures canoniques ; mais ce n’est pas dans les livres canoniques, c’est dans les livres de Cyprien et dans les lettres d’un concile que nous trouvons que cet évêque a énoncé sur le baptême un sentiment contraire à la règle et à la coutume de l’Église. Il n’y a pas trace qu’il ait rectifié cette opinion ; toutefois il est permis de penser qu’un tel homme s’est corrigé sur ce point, et peut-être la preuve de son retour à cet égard a-t-elle été anéantie par ceux qui se sont trop réjouis de cette erreur et n’ont pas voulu se priver d’un aussi grand patronage. Il ne manque pas de gens d’ailleurs qui soutiennent que ce sentiment n’a jamais été Celui de Cyprien, et qu’on l’a présomptueusement et faussement produit sous son nom. En effet, quelque illustre que soit un évêque, le texte de

  1. L’évêque Agrippin fut le successeur de saint Cyprien sur le siège de Carthage.
  2. Philip. III, 15-16
  3. Ps. CXVI, 2, 3
  4. Concile de Carthage en 256.
  5. Prov. XXIV, selon les Septante.