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été ardents à les demander et à les faire exécuter, soit contre nous, comme nous l’avons appris, soit contre les maximianistes, comme nous l’établissons par les actes publics : mais cependant vous n’étiez pas encore séparés d’eux lorsque, dans leur requête à l’empereur Julien, ils lui dirent qu’auprès de lui la justice seule trouvait place ; certainement ils savaient bien alors que Julien était apostat, et comme ils le voyaient livré aux idolâtries, il fallait qu’ils avouassent ou que l’idolâtrie était de la justice ou qu’ils avaient misérablement menti en disant qu’auprès de Julien la justice seule trouvait place, tandis que l’idolâtrie en occupait une si grande. Admettons qu’il y ait eu erreur dans les mots, que dites-vous du fait lui-même ? S’il ne faut demander à l’empereur rien de juste, pourquoi a-t-on demandé à Julien ce qu’on croyait tel ?

13. Ne doit-on demander que pour que chacun recouvre son bien, et non pas pour dénoncer quelqu’un à la justice répressive de l’empereur ? S’il s’agit de rentrer dans son bien, on s’écarte des exemples apostoliques, car pas un seul apôtre n’a fait cela. Toutefois, quand vos pères, qui regardaient Cécilien, évêque de Carthage, comme un criminel avec lequel ils ne voulaient pas communiquer, l’accusèrent auprès de l’empereur Constantin par le proconsul Anulin, ils ne réclamèrent pas des biens perdus, mais ils poursuivirent calomnieusement un innocent, comme nous le croyons et comme l’a montré la décision des juges : qu’ont-ils pu faire de plus détestable ? Si au contraire, comme vous avez tort de le penser, il était vraiment coupable quand ils l’ont livré au jugement des puissances séculières, pourquoi nous reprochez-vous ce que les vôtres ont fait présomptueusement les premiers ? Nous ne le leur reprocherions pas, s’ils avaient agi non dans des sentiments de malveillante et de haine, mais avec la sincère intention de reprendre et de corriger. Mais nous ne craignons pas de vous blâmer, vous à qui il paraît criminel que nous nous plaignions des ennemis de notre communion auprès d’un prince chrétien, après que vos pères ont remis au proconsul Anulin un mémoire destiné à l’empereur Constantin, et portant cette suscription : Mémoire de l’Église catholique sur les crimes de Cécilien, présenté de la part de Majorin[1]. Et ce que nous leur reprochons le plus, c’est qu’ayant accusé d’eux-mêmes Cécilien auprès de l’empereur, au lieu de le convaincre d’abord, comme ils l’auraient dû, devant ses collègues d’outre-mer, et Constantin ayant, d’une manière beaucoup plus régulière, fait juger par des évêques la cause épiscopale qu’on venait lui déférer, ils refusèrent, après leur condamnation, de se tenir en paix avec leurs frères et de nouveau recoururent à l’empereur pour accuser de nouveau auprès du souverain temporel, non-seulement Cécilien, mais aussi les évêques qu’on leur avait donnés pour juges ; un nouveau jugement épiscopal ne leur ayant pas convenu, ils en appelèrent une troisième fois à l’empereur ; et enfin le jugement du prince lui-même ne les ramena ni à la vérité ni à la paix.

14. Si Cécilien et ses compagnons avaient été vaincus par vos pères, leurs accusateurs, Constantin aurait-il statué contre eux autrement qu’il n’a statué contre ces mêmes accusateurs qui, n’ayant rien pu prouver, n’ont voulu ni avouer leur défaite, ni reconnaître la vérité ? Car cet empereur est le premier qui, dans cette affaire, ait ordonné la confiscation des biens des personnes convaincues de schisme et refusant opiniâtrement de revenir à l’unité. Si vos pères accusateurs l’avaient emporté et que l’empereur eût ordonné quelque chose de pareil contre la communion de Cécilien, vous auriez voulu qu’on vous appelât les vigilants gardiens de l’Église, les défenseurs de la paix et de l’unité. Mais comme les empereurs infligent ces peines aux accusateurs qui n’ont rien pu prouver et qui, après leur condamnation, n’ont pas consenti à s’amender pour rentrer dans la paix qu’on leur offrait, on crie à l’attentat, on soutient qu’il ne faut contraindre personne à l’unité ni rendre à personne le mal pour le mal. Qu’est-ce que cela, sinon ce que quelqu’un a écrit sur vous : « Ce que nous voulons est saint[2]. » Et maintenant ce n’était pas une grande ni une difficile chose de comprendre que le jugement et la sentence de Constantin rendus contre vos aïeux, tant de fois accusateurs de Cécilien sans avoir rien prouvé contre lui, demeuraient en vigueur contre vous-mêmes, et que les princesses successeurs, surtout les princes chrétiens catholiques, devaient nécessairement les faire exécuter, toutes les

  1. Voyez ci-dessus, lett. LXXXVIII, II. 2.
  2. Tychonius. C’était un Africain de quelque savoir ; il en est question dans la suite de cette lettre.