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mal en toute sûreté. Nous demandons aussi instamment pardon non-seulement pour nos péchés, mais encore pour les péchés d’autrui, et nous ne pouvons l’obtenir que pour ceux qui se sont corrigés. Vous dites ensuite : « Je demande et je supplie, autant qu’il est en mon pouvoir, que si la chose est défendable, l’innocent soit défendu et ne subisse pas des châtiments immérités. »

8. Voici brièvement ce qui s’est passé, et discernez vous-même les coupables d’avec les innocents. Contrairement aux nouvelles lois[1], le jour des calendes de juin, les païens, sans que personne les en empêchât, célébrèrent leurs solennités sacrilèges avec une si insolente audace que rien de pareil ne s’était vu, même au temps de Julien : ils firent passer la bruyante troupe de leurs danseurs dans la rue et devant la porte même de l’église. Les clercs ayant essayé de s’opposer à quelque chose d’aussi indigne et d’aussi positivement défendu, l’église fut lapidée. Huit jours après, l’évêque ayant notifié aux magistrats de la cité les lois que chacun du reste connaissait, et les ordres donnés étant sur le point de s’exécuter, l’église fut de nouveau lapidée. Le lendemain, les nôtres, pour inspirer de la crainte aux méchants, voulurent qu’on insérât dans les actes publics ce qui s’était passé : mais on leur refusa ce droit, qui est le droit de tous ; et le même jour, comme si Dieu lui-même avait voulu répandre la terreur, la grêle tomba sur la ville comme réponse aux pierres lancées la veille. À peine eut-elle cessé, qu’une bande ennemie lança pour la troisième fois des pierres sur l’église ; elle mit le feu aux habitations ecclésiastiques et tua un serviteur de Dieu qui avait cherché inutilement à s’échapper : les autres clercs se cachèrent ou s’enfuirent comme ils purent ; l’évêque, qui était parvenu à s’enfoncer et à se ramasser dans je ne sais quel coin, où il se dérobait aux regards, y entendait des menaces de mort et des reproches de ce qu’en se cachant il rendait inutile la perpétration d’un si grand crime. Ces choses se passèrent depuis dix heures jusqu’à la nuit avancée. Nul de ceux qui pouvaient intervenir avec autorité n’essaya de réprimer ni de secourir, excepté un étranger par lequel furent délivrés plusieurs serviteurs de Dieu près de périr, et bien des objets volés, arrachés aux pillards ; l’heureuse intervention de ce seul homme a fait voir clairement que ces désordres auraient pu être aisément prévus ou arrêtés, si les citoyens et surtout les magistrats s’y étaient opposés.

9. Ainsi donc, dans toute cette ville, il ne s’agit pas de discerner les innocents d’avec les coupables, mais les moins coupables d’avec ceux qui ne le sont plus. La faute est légère pour ceux qui, craignant d’offenser les hommes les plus importants de la ville qu’ils savaient être ennemis de l’Église, n’ont pas osé porter secours ; mais ils sont vraiment coupables tous ceux qui, sans commettre ni inspirer ces désordres, les ont réellement voulus ; plus coupables encore ceux qui les ont commis, et très coupables ceux qui en étaient les instigateurs. Quant à ceux-ci, ne prenons point des soupçons pour la vérité ; ne cherchons pas ce qui ne pourrait se découvrir qu’à force de tourments. Pardonnons aussi à la frayeur de ceux qui ont mieux aimé prier Dieu pour l’évêque et ses serviteurs, que de s’exposer à offenser de puissants ennemis de l’Église. Mais pour ce qui est des autres, pensez-vous qu’il ne faille les atteindre par aucune peine et proposez-vous qu’on laisse impuni un si grand exemple d’horrible fureur ? Nous ne songeons pas à satisfaire à des sentiments de colère en vengeant le passé, mais nous cherchons miséricordieusement à pourvoir aux intérêts de l’avenir. Les méchants peuvent être punis par les chrétiens non-seulement avec douceur, mais encore d’une façon qui leur soit utile et salutaire. En effet, ils ont de quoi soutenir la santé de leur corps, de quoi vivre, et de quoi mal vivre. Que leur santé et leur vie demeurent sauves, afin que le repentir soit possible ; voilà ce que nous souhaitons, ce que nous demandons avec instance, autant qu’il est en nous, et même par de laborieux efforts. Mais, quant aux moyens de mal vivre, si Dieu veut les retrancher, comme des parties gangrenées et nuisibles, il punira très – miséricordieusement. S’il veut quelque chose de plus ou s’il ne permet pas même cela, c’est à lui de savoir la raison de ce dessein plus profond et sûrement plus juste ; notre soin et notre devoir, à nous, c’est d’agir dans la mesure de ce que nous découvrons, c’est de le prier qu’il bénisse notre intention d’être utile à tous, et qu’il ne nous laisse rien faire qui ne profite et à nous et à son Église il sait bien mieux que nous ce qui convient.

10. Quand dernièrement nous sommes allés à Calame

  1. La loi d’Honorius qui interdisait aux païens la célébration de leurs fêtes est du 24 novembre 407.