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LETTRE LXXXIX.

(Au commencement de l’année 402.)

Festus était un riche personnage chargé d’importantes fonctions dans l’empire ; il possédait dans le pays d’Hippone des domaines considérables ; catholique lui-même, il avait pour fermiers et paysans des donatistes ; une lettre qu’il avait écrite dans le but de les ramener à l’unité de l’Église n’avait produit aucun fruit. Saint Augustin lui adressa celle qu’on va lire afin de le déterminer à de nouveaux efforts ; pour l’éclairer et le frapper, il ramassa les faits et les raisonnements les plus propres à faire juger la question religieuse et à établir le bon droit. Cette lettre serrée, ingénieuse et vive, et où de beaux mouvements se rencontrent, est une vigoureuse démonstration.

AUGUSTIN A SON CHER SEIGNEUR, A SON HONORABLE ET AIMABLE FILS FESTUS, SALUT DANS LE SEIGNEUR.

1. Si le goût de l’erreur, d’une division coupable, de faussetés tant dg fois démontrées pousse des hommes à renouveler audacieusement et sans cesse leurs menaces et leurs pièges contre l’Église catholique uniquement occupée de leur salut, combien il est plus juste et plus convenable que les partisans de la paix et de l’unité chrétienne, les amis de cette vérité éclatante même aux yeux qui feignent de ne pas la voir ou la dérobent aux autres, se dévouent activement, non-seulement à la défense de ceux qui sont catholiques, mais encore à la conversion de ceux qui ne le sont pas ! Car si l’opiniâtreté travaille à se créer des forces indomptables, quelles forces ne devrait pas avoir la constance qui sait qu’elle plaît à Dieu dans ses persévérants efforts pour le bien, et qu’elle ne peut pas déplaire aux hommes sages.

2. Or, quoi de plus malheureux et de plus mauvais que l’état des donatistes, se glorifiant de souffrir la persécution ! Bien loin de se sentir confondus par la répression de leur propre iniquité, ils veulent qu’on les en loue ! Ils ignorent dans leur étonnant aveuglement ou feignent d’ignorer dans leur coupable fureur que ce n’est pas le supplice, mais la cause qui fait les vrais martyrs. Je dirais cela contre ceux qui ne seraient que dans les ténèbres de l’hérésie, et qui, à cause d’un tel sacrilège, subiraient des peines méritées ; je le dirais lors même qu’ils n’oseraient commettre aucune violence contre qui que ce soit. Mais que penser de ceux dont il faut réprimer la perversité par la terreur des confiscations, ou auxquels il faut apprendre, en les exilant, que l’Église est partout répandue, l’Église qu’ils aiment mieux attaquer que reconnaître ? Et si ce que leur fait souffrir une législation au fond très-charitable est comparé à ce qui est l’œuvre de leur audace furieuse, qui ne verra de quel côté se trouvent les vrais persécuteurs ? Des fils mauvais, par cela seul qu’ils vivent mal, sans même qu’ils portent la main sur un père ou une mère, persécutent la tendresse de leurs parents ; et ceux-ci, plus ils aiment leurs enfants, plus ils redoublent d’énergie pour les amener ouvertement à une vie meilleure sans aucune persécution.

3. Il existe des actes publics d’une parfaite authenticité, que vous pouvez lire si vous voulez, ou plutôt que je vous engage à lire ; ces actes prouvent que les ancêtres de ceux qui les premiers se sont séparés de la paix de l’Église, osèrent accuser Cécilien auprès de l’empereur Constantin par le proconsul Anulin. Si ce jugement leur eût donné gain de cause, qu’aurait souffert Cécilien, sinon ce qu’ils ont été condamnés à souffrir après avoir été vaincus devant le tribunal impérial ? Si leurs triomphantes accusations avaient fait chasser de leurs sièges Cécilien et ses collègues, ou si ces derniers, persévérant dans leur révolte, avaient été condamnés à des peines plus rigoureuses (car vaincus et résistants ils auraient rencontré les royales sévérités), alors r les donatistes auraient partout demandé des louanges pour leur prévoyante sollicitude, dévouée aux intérêts de l’Église. Mais maintenant qu’ils ont été mis en déroute et n’ont pu prouver rien de ce qu’ils avaient avancé, s’ils souffrent quelque chose pour leur iniquité, ils l’appellent une persécution ; ils n’imposent à leur furie aucune répression, mais ils réclament les honneurs des martyrs : comme si les empereurs chrétiens catholiques, en châtiant leur iniquité, faisaient autre chose que de suivre le jugement de Constantin, sollicité par les accusateurs mêmes de Cécilien : ceux-ci, préférant l’autorité de l’empereur à tous les évêques d’outre-mer, lui déférèrent et non pas aux évêques, la cause de l’Église ; ils en appelèrent à l’empereur du jugement épiscopal que lui-même avait fait rendre à Rome et où ils furent condamnés, et en appelèrent encore à son tribunal du jugement épiscopal prononcé à Arles et toutefois condamnés définitivement par l’empereur lui-même, ils demeurèrent dans la perversité. Vraiment je crois que le diable (132) lui-