Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome II.djvu/133

Cette page n’a pas encore été corrigée

savoir par vous si cette séparation, dans laquelle vous demeurez, a été une œuvre de justice. Mais si c’est une iniquité que de condamner le monde entier sans l’entendre, ou parce qu’il n’a pas su ce que vous avez su, ou parce qu’il ne tient pas pour prouvé ce que vous avez cru témérairement et ce que vous avez imputé sans aucune preuve certaine ; si conséquemment c’est une iniquité que de vouloir rebaptiser tant d’Églises fondées par les prédications et les travaux soit du Seigneur, lorsqu’il vivait incarné parmi nous, soit de ses apôtres : quand vous nous permettez de ne rien savoir de ces méchants collègues d’Afrique avec qui vous vivez et dispensez les sacrements ; quand, ne l’ignorant pas, vous le tolérez de peur de diviser le parti de Donat ; ces Églises, établies dans les contrées les plus lointaines de l’univers, ne pourront ignorer ce que vous connaissez, ce que vous croyez, ce que vous avez appris ou imaginé sur quelques Africains ? Quelle perversité que d’aimer son propre crime et d’accuser la sévérité des puissances de la terre !

8. Il n’est pas permis aux chrétiens, me direz-vous, de persécuter même les méchants. Soit ; mais est-ce une objection à faire aux puissances instituées pour la répression même des méchants ? Effacerons-nous ce que dit l’Apôtre ? Vos livres, ne contiennent-ils pas les passages que j’ai rappelés plus haut ? – Mais vous ne devez pas communiquer avec ceux qui agissent ainsi ? Quoi donc ? N’avez-vous pas communiqué autrefois avec le lieutenant Flavius, homme de votre parti, lorsque, chargé de l’exécution des lois, il condamnait à mort les criminels qu’il avait trouvés ? Mais, me direz-vous encore, c’est vous qui poussez contre nous les princes romains. – Ils sont bien plutôt poussés contre vous par vous-mêmes, qui vous obstinez à déchirer et à rebaptiser l’Église dont ils sont membres, ainsi que l’avaient annoncé les anciennes prophéties qui ont dit du Christ « Tous les rois de la terre l’adoreront[1] ! » Ce n’est pas pour vous persécuter, c’est pour se défendre eux-mêmes que les catholiques invoquent l’appui des puissances établies contre les violences coupables et individuelles de vos amis, violences que vous déplorez, vous qui en êtes innocents ; ils se défendent comme l’apôtre Paul qui, avant que l’empire romain fût chrétien, sollicita une escorte armée contre les juifs qui menaçaient de le tuer[2]. Quant aux empereurs, à mesure qu’ils ont occasion de connaître le crime de votre schisme, ils ordonnent contre vous ce qu’ils croient devoir ordonner conformément à leur devoir et à leur autorité. Car ce n’est pas en vain qu’ils portent le glaive : ils sont les ministres de Dieu, chargés de ses vengeances contre ceux qui agissent mal. Enfin, s’il se rencontre parmi les nôtres des hommes qui recourent à l’autorité sans un esprit de modération chrétienne, nous ne les approuvons pas ; mais nous n’abandonnons pas à cause d’eux l’Église catholique, si nous ne pouvons pas la purifier de la paille avant le dernier jour où le grand vanneur fera son œuvre, comme vous n’avez pas quitté vous-mêmes le parti de Donat à cause d’Optat, que vous n’osiez pas chasser.

9. Pourquoi, dites-vous, voulez-vous que nous nous réunissions à vous, si nous sommes des scélérats ? – Parce que vous vivez encore et que vous pouvez vous corriger si vous voulez. Quand vous vous réunissez à nous, c’est-à-dire à l’Église de Dieu, à l’héritage du Christ, dont l’empire couvre toute la terre, vous vous corrigez pour puiser votre vie dans la racine ; car l’Apôtre parle ainsi des branches brisées : « Dieu est assez puissant pour les enter de nouveau sur le tronc[3]. » Alors donc vous changez sur les points qui vous séparaient de nous, quoique les sacrements que vous avez, soient saints, puisqu’ils sont les mêmes que les nôtres. Ainsi nous voulons que vous changiez ce qu’il y a de mauvais en vous, c’est-à-dire que vos rameaux coupés prennent racine de nouveau. Nous approuvons les sacrements que vous avez et que vous n’avez pas changés, de peur que, voulant corriger la perversité du schisme, nous ne fassions une injure sacrilège à ces mystères du Christ que vos souillures n’ont pas atteints. L’onction de Saül n’avait pas souffert de sa dépravation ; c’est à cette onction que le roi David, pieux serviteur de Dieu, rendit un si grand honneur. C’est pourquoi nous ne vous rebaptisons pas tout en désirant vous rendre la racine que vous avez perdue ; nous approuvons la forme du sarment retranché, si elle n’a pas été changée, quoique cette forme, même intégralement gardée, ne puisse rien produire sans la racine. Les persécutions et le baptême sont deux questions différentes ; vous parlez des persécutions que vous subissez de la part des nôtres dont la modération et la

  1. Ps. LXXI, 11
  2. Act. XXIII, 21
  3. Rom. XI, 23