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devant Notre-Seigneur, qui est mon témoin dans mon âme : depuis que j’ai commencé à servir Dieu, de même que je n’ai pas connu de meilleurs chrétiens que les hôtes fervents des monastères, ainsi je n’ai rien vu de pis que des moines tombés, et j’appliquerai aux communautés ces paroles de l’Apocalypse : « Le juste y devient plus juste, le souillé s’y souille davantage[1]. » C’est pourquoi si quelques ordures nous attristent, beaucoup de belles choses nous consolent. Gardez-vous, à cause du marc qui déplaît à vos yeux, gardez-vous de détester les pressoirs par lesquels les réservoirs du Seigneur s’emplissent, d’huile lumineuse. Que la miséricorde du Seigneur notre Dieu vous garde dans sa paix contre toutes les embûches de l’ennemi, ô mes bien-aimés frères !

LETTRE LXXIX.

(404).

Saint Augustin châtie l’ignorante et orgueilleuse perversité d’un prêtre manichéen.

Vous cherchez en vain des détours ; on vous reconnaît au loin. Mes frères m’ont rapporté leurs entretiens avec vous. C’est bien si vous ne craignez pas la mort ; mais vous devez craindre cette mort que vous vous faites à vous-même en blasphémant de la sorte sur Dieu. Que vous considériez cette mort visible, connue de tous les hommes, comme la séparation de l’âme et du corps, ce n’est pas chose difficile à comprendre ; ce qui l’est, c’est ce que vous y ajoutez du vôtre en disant qu’elle est la séparation du bien et du mal. Mais si l’âme est un bien et le corps un mal, Celui qui les a unis l’un à l’autre n’est pas bon ; or, vous dites que le Dieu bon les a unis ; donc ou il est mauvais, ou il craignait le mal. Et vous vous vantez de ne pas craindre l’homme, quand vous vous forgez un dieu qui, par peur des ténèbres, a mêlé le bien et le mal ! Ne soyez pas fier, comme vous le dites, que nous fassions de vous quelque chose de grand, en arrêtant vos poisons au passage, et en empêchant que la pestilence ne se répande au milieu des hommes : l’Apôtre ne grandit pas ceux qu’il appelle des chiens lorsqu’il dit : « Prenez garde aux chiens[2] ; » il ne grandissait pas ceux dont il comparaît la doctrine à de la gangrène[3]. Je vous le demande, donc au nom du Christ ; si vous êtes prêt, reprenez le débat dans lequel a succombé votre prédécesseur Fortunat[4]. Car, en sortant d’ici, il ne devait y revenir qu’après s’être entendu avec les siens pour trouver de quoi répondre à nos frères. Si vous n’êtes pas prêt pour cette discussion, retirez-vous d’ici, ne corrompez pas les voies du Seigneur, ne tendez pas vos piéges aux âmes faibles pour les infecter de vos poisons ; autrement prenez garde qu’avec le secours du bras de Notre-Seigneur, vous ne soyez couvert de honte comme vous ne l’auriez pas cru.

LETTRE LXXX.

(405.)

Comment on peut savoir si on accomplit la volonté de Dieu.

AUGUSTIN A SES FRÈRES PAULIN ET THÉRASIE, TOUS DEUX SAINTS ET AIMÉS DE DIEU, TRÈS DIGNES DE RESPECT ET D’AFFECTION, SALUT DANS LE SEIGNEUR.

1. Le très-cher frère Celse m’ayant demandé une réponse, je me suis hâté de payer cette dette ; et je me suis véritablement hâté. Je pensais qu’il resterait encore quelques jours au milieu de nous : mais le départ d’un navire lui ayant tout à coup offert une occasion, il est venu à la nuit m’annoncer qu’il nous quitterait demain. Que faire, puisque je ne puis pas le retenir, et que d’ailleurs je ne le devrais pas si je le pouvais, car c’est vers vous qu’il s’empresse de retourner, et il sera meilleur pour lui qu’il vous retrouve ? C’est pourquoi je saisis à la course ce que je dicte ici pour vous être envoyé, tout en me déclarant débiteur envers vous d’une plus longue lettre, que je vous écrirai au retour de nos vénérables frères mes collègues Théase et Evode, après que vous m’aurez vous-mêmes un peu rassasié ; car c’est vous que depuis longtemps, au nom et avec l’aide du Christ, nous espérons trouver plus abondamment dans leurs cœurs et leurs bouches. Quoique je vous écrive aujourd’hui, je vous ai adressé une autre lettre, il y a peu de jours, par notre cher fils Fortunatien, prêtre de l’Église de Thagaste, qui s’embarquait pour aller à Rome. Maintenant donc je demande, selon ma coutume, que vous fassiez ce que vous faites toujours : priez pour nous, afin que Dieu voie

  1. Apoc. XXII, 11
  2. Philip. III, 2
  3. II Tim. II, 17
  4. Voy. Rétrac. liv. I, ch. 16