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chapitre quinzième.

Testament, que toute la terre est promise au Messie et à son Église. Il fait parler l’Église de Philadelphie, dont le nom grec signifie amour fraternel. Elle dit aux donatistes africains qu’elle est séparée d’eux par les mers et les longues distances ; elle ignore ce qu’ils font, ce qu’ils annoncent : quel mal peuvent-ils lui reprocher ? de quoi peuvent-ils l’accuser ? Le Seigneur, qui a racheté le monde entier au prix de son sang, et dont le prophète avait si longtemps auparavant chanté les mystérieuses ignominies, n’a point laissé entre Philadelphie et l’Afrique des espaces vides et sans chrétiens. Ces espaces renferment des fidèles qui peuvent adresser aux donatistes le même langage que Philadelphie, et le monde entier, excommunié par les schismatiques africains, a le droit de faire entendre les mêmes plaintes.

Augustin rappelle les diverses condamnations des donatistes, et leur répugnance à s’expliquer sérieusement avec les catholiques. Il montre que les martyrs des donatistes ne méritent pas ce nom glorieux ; ce qui fait le martyre ce n’est pas le supplice, mais la cause pour laquelle on souffre. Voilà pourquoi le Sauveur a dit : Bienheureux ceux qui souffrent la persécution pour la justice ! L’évêque d’Hippone aborde une question grave, celle de savoir si les princes chrétiens ont le droit de réprimer les hérétiques et les schismatiques. Nous aurons occasion de revenir sur cette question, qui, pour être résolue avec vérité, a besoin d’être examinée, non pas d’après nos idées modernes, mais d’après les temps et les sociétés au milieu desquels vivait saint Augustin. Les donatistes avaient-ils bien le droit de se plaindre des violences exercées contre leur conscience, eux qui ne se faisaient pas faute de violences de toute nature, eux qui lançaient les circoncellions comme des dogues, furieux à travers les populations catholiques ? Ils trouvaient bon de se servir des lois impériales pour chasser des basiliques les maximianistes, qui étaient visà-vis d’eux comme des schismatiques, et n’auraient pas voulu que les catholiques eussent profité de ces mêmes lois pour protéger leur unité ! Augustin les enfermait dans ce dilemme Ou vous pensez qu’il n’est permis de rien faire contre les hérétiques et les schismatiques, ou vous pensez qu’on peut agir. Dans le premier cas, pourquoi poursuivez-vous les catholiques de vos constantes hostilités ? Dans le second cas, pourquoi vous plaignez-vous des atteintes portées à votre repos ? et de plus, montrez-nous que vous avez souffert plus de choses de la part des empereurs catholiques que vous n’en avez fait souffrir vous-mêmes, soit par vos juges, soit par le roi des barbares, Gildon, ou par les fureurs insensées des circoncellions.

Les donatistes à qui Julien rendit les basiliques avaient dit de l’apostat couronné, que la justice seule trouvait place auprès de lui[1]. La sainteté chrétienne, persécutée par Julien, n’était donc pas la justice !

Dans le deuxième livre de la réponse d’Augustin à Parménien, Augustin rétablit le vrai sens des passages de l’Écriture, dont l’interprétation erronée trompait la simplicité des fidèles.

Dans le troisième et dernier livre, Augustin réfute, au sujet de la séparation des bons et des mauvais dans ce monde, l’objection des donatistes, tirée de l’Épître de saint Paul aux Corinthiens[2]. Le grand apôtre défend aux fidèles de se mêler aux fornicateurs[3]. Augustin explique que l’excommunication catholique ne rompt pas l’unité, puisqu’elle a pour unique but d’amener le coupable au repentir ; elle n’arrache point, mais elle corrige[4]. Jésus-Christ a dit : « Laissez l’ivraie et le froment croître ensemble jusqu’à la moisson. » Augustin, toujours fidèle aux lois de la mansuétude, veut que ceux qui châtient leurs frères le fassent avec une humble charité et une sévérité bienveillante, de manière à ne pas oublier qu’ils sont leurs serviteurs, à l’exemple du divin Mitre. Un passage de ce troisième livre nous parle des pauvres que nourrissait l’Église ; en punition d’un désordre scandaleux, on était retranché du nombre de ces pauvres, nourris au banquet de l’aumône.

« Quoi de commun entre la paille et le froment ? » avait dit Jérémie[5]. Parménien concluait de ces mots que le prophète d’Anathot ordonnait de faire la séparation sur la terre. Le genre humain, dit Augustin, se trompe-t-il au point de ne pas reconnaître Parménien comme le vanneur ? Donat, Majorin et Parménien ont donc été comme les trois cornes d’un van dans la main du Seigneur pour faire la moisson de l’univers, et l’Afrique a été choisie

  1. Quod apud eum sola justitia locum haberet.
  2. I. 5, 11.
  3. Non commisceri fornicariis.
  4. Non ad eradicandum, sed ad corrigendum.
  5. XXIII, 28.