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histoire de saint augustin.

thagore et Socrate n’ont pas laissé une ligne ; or, pourquoi les païens, qui acceptaient Pythagore et Socrate, repousseraient-ils Jésus-Christ par la raison qu’il n’a rien écrit ? Si, par les récits de la renommée, ajoute Augustin, Jésus-Christ est aujourd’hui reconnu comme le plus sage, le plus parfait des hommes, pourquoi, sur le témoignage d’une plus grande renommée, ne serait-il pas reconnu comme Dieu ? Les païens proclamaient le Christ le plus sage des hommes, et pourtant le Christ n’avait jamais parlé de sa sagesse ! L’Église catholique le proclame Dieu : que répondre à cette grande autorité ? Augustin prouve ensuite la divinité du Sauveur. Tout ce premier livre est beau. Les trois autres montrent, par le rapprochement des textes et la netteté des interprétations, la constante harmonie qui règne dans les évangélistes.

Les deux livres des Questions des Évangiles sont pleins de lumières et de solutions heureuses.

Dans le livre Des choses qu’on ne voit pas, et qui tend à établir la nécessité de la foi, Augustin fait observer que souvent, dans la marche ordinaire de la vie, nous croyons sans avoir vu. Le bon vouloir d’un ami ne se voit point, et cependant on y croit. Ôtez la foi des choses humaines, une immense et horrible confusion nous apparaît. Pour les croyances chrétiennes, comme pour l’amitié, il y a des indices de vérité : l’accomplissement des prophéties est le grand témoignage de la foi catholique. Les choses accomplies nous portent à croire les choses qui ne se voient pas. Les livres des juifs, nos ennemis, témoignent de la vérité de notre religion. Les Juifs ont été dispersés sur tous les points de la terre, pour que les preuves du christianisme fussent répandues partout. Mais quel plus grand témoignage de la divinité du christianisme, que la ruine du polythéisme et la transformation du monde, accomplie au nom d’un homme insulté, flagellé, crucifié ; accomplie par des disciples ignorants et grossiers, par des pêcheurs et des publicains chargés d’annoncer la résurrection et l’ascension qu’ils déclarent avoir vues, et de prêcher l’Évangile à toutes les nations, dans des langues qu’ils n’ont point apprises !

Augustin, s’adressant aux catholiques, ses contemporains, les exhorte à ne pas se laisser abuser par les païens, les juifs, les hérétiques et les mauvais frères. La prophétie divine a parlé, afin que les faibles ne soient point troublés. L’Époux du Cantique des Cantiques, c’est-à-dire le Seigneur Christ, a dit en parlant de son Église : « Comme le lis brille au milieu des « ronces, ainsi mon amie s’élève au milieu des « filles de la terre. » Quand le filet jeté à la mer sera retiré sur le rivage qui signifie ici la dernière époque du monde, alors aura lieu la séparation.

Le livre Sur la manière de catéchiser les ignorants[1], écrit à la prière d’un diacre de Carthage, est un précieux traité de l’art d’enseigner la religion. On y trouve des conseils et des préceptes pour rendre les leçons à la fois utiles et attrayantes. Pour échapper à cet écueil de l’ennui qui menace toujours les catéchistes, Augustin dit au diacre de Carthage qu’il ne doit pas s’inquiéter si son propre discours lui paraît long et fastidieux : l’auditeur peut ne pas en juger ainsi. Celui qui parle a l’idée du mieux, et c’est pour cela que souvent il trouve médiocre ce qu’il dit ; Augustin lui-même est rarement content de ses discours. Avant d’ouvrir la bouche, il voit les pensées qu’il serait utile d’exprimer ; puis, quand sa parole lui semble incomplète, il s’attriste de ce que sa langue ne puisse suffire à l’abondance de son cœur ; la pensée traverse son esprit comme un éclair, et la parole est lente et embarrassée. « Il faut, dit l’évêque d’Hippone, que ma mémoire s’occupe de retenir les idées, pendant que je prononce une à une les syllabes pour les exprimer. C’est ce qui me fait paraître le discours languissant et ennuyeux ; mais l’attention de ceux qui m’écoutent me donne à croire qu’ils y trouvent quelque chose d’utile. Ce motif me détermine à continuer un ministère profitable à ceux dont je suis le pasteur. » Augustin ajoute que, pour produire des fruits heureux, les choses n’ont pas besoin d’être exprimées aussi parfaitement qu’on le voudrait. Tant que nous sommes dans cette vie, Dieu n’apparaît qu’en énigme ; il n’est pas en notre puissance de nous affranchir tout à fait des liens terrestres et de percer le nuage qui voile les secrets éternels.

Ce livre renferme beaucoup d’importantes choses. Augustin veut faire aimer aux catéchistes leur tâche ; il la relève, l’environne d’intérêt et de charme, et s’appuie de l’exemple du divin Maître, qui se fit petit pour parler aux hommes. Il n’y a pas de dévouement dans le

  1. De catechizandis rudibus.