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HISTOIRE DE SAINT AUGUSTIN.

Augustin lui défendit de la toucher et de lui faire le moindre mal. Il ne répondit que par le silence et en contenant les hommes de sa suite, lorsque, traversant le pays de Spare, il eut à souffrir un torrent d’injures de la part d’un prêtre donatiste d’Hippone.

Il fut donc impossible à Augustin d’amener Proculéien à une discussion solennelle. À défaut d’autres moyens pour confondre le chef des donatistes d’Hippone, il ruinait le schisme dans des sermons qui frappaient très-vivement les esprits. Les donatistes de bonne foi qui l’écoutaient, sortaient de l’église avec la conviction de leur erreur, et ne songeaient plus qu’à se ranger à l’unité catholique ; les fidèles, qui voyaient la vérité se dérouler devant eux avec tant de clarté et d’évidence, emportaient l’espérance de la destruction du schisme, et saluaient joyeusement un avenir de paix.

Le dernier mois de 396, ou le premier mois de 397, vit naître le livre du Combat chrétien. C’est une éloquente exhortation au combat pour mériter la palme de l’heureuse éternité. Cassiodore en conseillait la lecture à ceux qui, ayant foulé aux pieds le siècle, versaient leurs sueurs dans les combats chrétiens[1].

On se souvient du vénérable Simplicien, à qui Augustin s’était ouvert à Milan, au moment où s’accomplissait dans son âme le dernier travail de la vérité. Le saint vieillard ne perdit plus de vue le sublime jeune homme qu’il avait aidé à franchir le dernier pas qui le séparait de l’Église catholique ; après s’être réjoui de son entrée dans la foi, il avait béni de loin les succès d’Augustin dans la défense de la religion chrétienne. Une lettre[2] de Simplicien, élevé depuis peu à la place de saint Ambroise sur le siège épiscopal de Milan, était venue apprendre à Augustin que le saint homme lui gardait amour et admiration. Augustin lui répondit avec bonheur, et la manière dont il parlait des livres qui lui avaient valu les louanges de Simplicien est empreinte d’une modestie toute chrétienne. Il se trouvait suffisamment payé de sa peine, puisque Simplicien avait daigné lire ses ouvrages ; le Seigneur, sous la main de qui Augustin tenait son âme abaissée, lui avait accordé ce bonheur afin de le tirer de ses inquiétudes, car, soit par inhabileté, soit par imprudence, il craignait de faire de faux pas dans le champ de la vérité, quelque aplani qu’il puisse être. « Lorsque ce que j’écris vous plaît, disait-il à Simplicien, je sais à qui je plais, car je sais quel est celui qui habite eu vous. Il est lui-même le distributeur et le dispensateur de tous les dons, et rassurera mon obéissance par votre jugement, pour tout ce qui, dans mes écrits, a mérité de vous plaire. Dieu a dit en se servant de moi : que cela soit fait, et cela a été fait. Dieu a vu dans votre approbation que c’était bon. »

Simplicien, dans sa lettre, avait posé des questions tirées des Écritures, qu’il priait Augustin de traiter. Ce fut l’origine des deux livres à Simplicien[3], où de hauts problèmes théologiques sont résolus avec une grande lumière. Cet ouvrage, le premier qu’ait composé Augustin après son épiscopat, marque la fin de son semi-pélagianisme, comme si, par une faveur du ciel, Augustin, évêque, eût cessé d’être faillible en matière de foi. Le premier des deux livres à Simplicien renferme la solution de la question de la vocation selon le décret de la volonté divine[4]. Nous parlerons de ces graves et difficiles choses quand nous serons arrivés aux traités de la Prédestination des saints et du Don de la persévérance.

  1. De institut. divin. litt., cap. 16.
  2. Cette lettre est de 397. Saint Ambroise était mort le 4 avril de cette même année.
  3. De diversis quaestionibus ad Simplicianum, libri duo.
  4. Saint Paul aux Romains, VIII, 28.