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HISTOIRE DE SAINT AUGUSTIN.

exerçons l’empire sur les animaux de la terre, ainsi, par une raison forte, nous pouvons exercer l’empire sur nos passions. S’il est vrai que Dieu seul soit au-dessus d’un cœur où règne la vertu, pourquoi ne pas donner plus souvent ce magnifique spectacle au monde ?




CHAPITRE TREIZIÈME.




Avènement de saint Augustin à l’épiscopat. — Les donatistes. — Lettres de saint Augustin à Proculéien, à Eusèbe, à Simplicien.

Augustin était pour l’Église d’Hippone un trésor que le vieil évêque Valère gardait avec une tendre inquiétude ; les fidèles eux-mêmes avaient toujours peur de le perdre, et, dans sa lettre à l’évêque Aurèle, Augustin, s’excusant de ne pouvoir se rendre à Carthage, lui disait : « les gens d’Hippone ne supporteraient pas que je misse entre eux et moi une longue distance ; ils ne veulent pas se fier à moi comme je me fierais à vous[1]. » La renommée d’Augustin, qui chaque jour grandissait, ne faisait que redoubler l’effroi du premier pasteur d’Hippone ; il tremblait qu’on ne lui ravit pour l’épiscopat ce beau génie qui illuminait l’Afrique de magnifiques clartés. Il avait fini par le faire cacher, et ceux qui le cherchaient ne le trouvèrent point. Valère se décide donc à écrire secrètement au primat de Carthage pour le prier de venir consacrer le prêtre Augustin qu’il désire associer au gouvernement de l’Église d’Hippone : les affaires pèsent trop sur sa vieillesse ; il a besoin d’être soulagé de ce poids religieux. Mégale, évêque de Calame, primat de Numidie, d’autres évêques, le clergé d’Hippone, la multitude des fidèles, sont avertis de la volonté de Valère. Une allégresse universelle accueillit les intentions de Valère : Mégale avait refusé d’abord son adhésion à l’élévation d’Augustin, alléguant pour motif une absurde calomnie dont il demanda ensuite publiquement pardon. Aurèle de Carthage n’ayant pu se rendre à Hippone, ce fut Mégale lui-même qui conféra à Augustin l’ordination épiscopale. Il fallut lutter avec l’humilité d’Augustin qui voulait se dérober à ce fardeau. On eut plus tard connaissance du huitième canon du concile de Nicée, qui défendait de donner deux évêques à une même Église. Augustin s’en ressouviendra dans sa vieillesse. Toutefois l’Église catholique s’est affranchie de cette prescription, quand l’intérêt d’un diocèse a paru le demander ; et même dans ce cas on ne reconnaît jamais dans un même diocèse que l’autorité d’un seul évêque. L’anniversaire de l’ordination épiscopale d’Augustin fut, dans la suite, une fête chère au pasteur et au troupeau. Il nous reste deux sermons de saint Augustin prononcés dans ces solennités touchantes.

Le sacre d’Augustin avait eu lieu vers la fin de l’année 395, un peu avant la fête de Noël. Cette nouvelle se répandit rapidement dans le monde catholique, qui en remercia le ciel. Au commencement de l’année 396, Augustin l’annonçait à saint Paulin ; l’ardeur du saint homme Valère, les vœux et les acclamations de tout le peuple, lui avaient paru comme la manifestation de la volonté divine ; il y avait eu d’ailleurs des exemples de coadjuteurs[2] ; Augustin se serait reproché une trop opiniâtre résistance. Il parle de cette dignité comme d’un lourd fardeau qu’il porterait avec moins de difficulté et d’amertume si Paulin venait le voir. Il lui envoie ses trois livres du Libre arbitre dont il regrette l’imperfection ; mais, s’il l’accable de ses ouvrages, l’amitié de Paulin lui sert d’excuse. Toutes ses précédentes productions ont été communiquées au Solitaire de Nole par Romanien, qu’Augustin appelle son frère ; Romanien n’avait pu emporter le Traité du libre arbitre. L’évêque d’Hippone avait appris que Paulin s’occupait d’un livre contre les païens ; il le supplie au nom de l’amitié de le lui faire passer. Deux ans plus tard il le redemandait encore. Augustin regarde Paulin comme un organe de l’Esprit-Saint, qui a force et autorité pour répondre à des arguments peu

  1. Lettre 2.
  2. Nonnullis jam exemplis praecedentibus.