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HISTOIRE DE SAINT AUGUSTIN.

sont pénibles, effrayantes, si on veut se conformer aux règles sacrées. Au moment où Augustin commençait à étudier ces règles, Dieu a permis, à cause de ses péchés (il n’en voit pas d’autre cause), qu’on lui ait fait violence pour le porter au sacerdoce et le placer à la seconde place du gouvernement du navire, lui qui ne sait pas seulement manier un aviron. Augustin pense que Dieu a voulu châtier sa témérité ; il avait censuré la plupart des nautoniers, comme s’il avait été meilleur et plus habile, et maintenant qu’il est devenu l’un d’eux, il reconnaît les difficultés dans toute leur étendue. Voilà pourquoi, pendant qu’on l’ordonnait prêtre, il ne pouvait cacher ses pleurs. Depuis ce jour, il est encore bien plus pénétré des difficultés ; la force qu’il espérait pouvoir trouver en lui s’est changée en faiblesse. Dieu s’est moqué de lui en le mettant à l’épreuve, et lui a montré tout son néant. Augustin trouvera ce qui lui manque dans les saintes Écritures  : « Si, après avoir appris ce qu’il faut à un homme chargé de dispenser au peuple les sacrements et la parole de Dieu, il ne m’est pas permis d’acquérir ce que je reconnais ne pas avoir encore, vous voulez donc que je périsse, ô mon père Valère  ! Où est votre charité ? m’aimez-vous ? aimez-vous l’Église dont vous m’avez confié l’administration ? Je suis sûr que vous m’aimez et que vous l’aimez. Mais vous me croyez capable ; et moi, je me connais mieux, et je ne me connaîtrais pas aussi bien si l’expérience n’avait pas été pour moi une grande lumière. »

Augustin demande pour sa retraite le court intervalle qui doit s’écouler entre la date de ses lettres et les fêtes de Pâques. Lorsque Jésus-Christ le jugera avec toute la sévérité de sa justice, faudra-t-il lui répondre que le vieillard Valère, dans l’excès de son amour et la trop bonne opinion qu’il avait de sa capacité, lui a refusé le temps de s’instruire suffisamment ?

Cette lettre, vive et pressante, pleine d’inquiétude religieuse, est sans doute dans la mémoire de tous les ecclésiastiques comme une grande et sainte leçon. Il est à croire que l’évêque Valère se rendit aux instances d’Augustin. Nous ignorons dans quel lieu le nouveau prêtre d’Hippone passa ses jours d’étude et de méditation jusqu’à la solennité pascale.

Une des premières œuvres d’Augustin depuis son élévation au sacerdoce fut l’établissement d’un monastère dans le jardin attenant à l’église d’Hippone. Il y vivait avec son cher Alype, Évode, Sévère, Possidius et d’autres serviteurs de Dieu, selon la règle établie sous les saints apôtres[1], dit Possidius. D’après cette règle, nul ne possédait rien en propre, et chacun recevait selon ses besoins. C’est ainsi qu’avaient déjà vécu Augustin et ses amis dans la solitude aux environs de Thagaste. Il faut distinguer ce monastère de la communauté ecclésiastique fondée plus tard par Augustin dans la maison épiscopale, et qui fut comme un séminaire, le premier qu’on ait vu. Dix évêques, dans la suite, sortirent de cette communauté. Alype, l’ancien ami d’Augustin, et qui fut évêque de Thagaste ; Sévère, qui gouverna l’Église de Milève ; Évode, celle d’Uzale ; Possidius, celle de Calame, formèrent le premier noyau de la communauté d’Augustin  ; nous connaissons encore les noms de cinq de ses disciples  : Profuturus, évêque de Cirta, aujourd’hui Constantine ; Fortunatus, son successeur ; Urbain, évêque de Sicca[2], aujourd’hui Keff ; Boniface, évêque de Cataqua, et Peregrin. Nous ne savons pas le nom du dixième évêque sorti du séminaire de saint Augustin.

Au moment de l’entrée d’Augustin dans le ministère évangélique, il y avait cinq ans que Gildon gouvernait l’Afrique en oppresseur[3]. Les catholiques étaient l’objet particulier des horribles fantaisies de ce puissant Maure que n’a point épargné la verve de Claudien[4].

  1. Regulam sub sanctis apostolis constitutam.
  2. L’ancienne Sicca Veneria.
  3. Gildon se révolta en 386.
  4. De Bello Gildonico.