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LETTRES DE SAINT AUGUSTIN. — PREMIÈRE SÉRIE.

7. Je ne ferai rien, tant que des soldats seront là, pour que nul d’entre vous ne me croie plus désireux. de trouble que de paix ; j’attendrai le départ de la troupe : il faut que tous ceux qui nous entendront comprennent qu’il ne s’agit pas de forcer personne à prendre tel ou tel parti, riais de laisser la vérité se montrer paisiblement à ceux qui la cherchent. On n’aura pas à craindre de notre côté les puissances temporelles ; faites que de votre côté on n’ait pas à redouter les Circoncellions. Occupons-nous de la chose elle-même ; agissons avec raison ; agissons avec les autorités des divines Écritures ; demandons aussi doucement et aussi paisiblement que possible ; cherchons, frappons à la porte, afin de recevoir et de trouver : on nous ouvrira. Puissent, avec l’aide de Dieu, nos communs efforts et nos prières effacer de notre pays cette honte et cette impiété des régions africaines ! Si vous ne voulez pas croire que j’attende le départ des soldats pour commencer, ne me répondez pas auparavant ; si je venais à lire ma lettre au peuple pendant que des soldats sont encore au milieu de nous, vous n’auriez qu’à la produire pour me convaincre de mauvaise foi. Que la miséricorde du Seigneur m’épargne une pareille infraction des saintes lois, dont il a daigné m’inspirer l’amour en me soumettant à son joug !

8. Si mon évêque avait été ici, il vous aurait écrit peut-être, ou bien je l’aurais fait par ses ordres ou avec sa permission. Mais il était absent quand j’ai entendu parler de ce diacre rebaptisé, et je n’ai pas voulu laisser refroidir cette action par un retard : la véritable mort de l’un de mes frères m’avait trop ému de douleur ! Cette douleur, grâce à la miséricorde et à la providence du Seigneur, trouvera peut-être dans la paix un adoucissement. Que Dieu daigne vous inspirer un esprit pacifique, ô mon très cher seigneur et frère !

LETTRE XXIV.


(A la fin de l’année 394.)

Nos lecteurs savent combien le nom de saint Paulin se mêle au souvenir de saint Augustin ; la lettre qu’on va lire, adressée à Alype, alors évêque, est un charmant et curieux monument des vieux temps chrétiens ; ces saints personnages, qui ne se connaissent que par l’âme et une foi commune, qui se demandent comment ils sont arrivés au christianisme et où ils sont Vis, saisissent profondément notre imagination et notre cœur. Alype avait envoyé à Paulin un ouvrage de saint Augustin, et Paulin envoie à Alype une copie de la chronique d’Eusèbe de Césarée.

PAULIN ET THÉRASIE, PÉCHEURS, A LEUR HONORABLE SEIGNEUR ET TRÈS-SAINT PÈRE ALYPE.

1. C’est une charité bien vraie, une bien parfaite affection que celle dont vous nous envoyez le témoignage, ô seigneur vraiment saint et très-digne de tous nos vœux ! Nous avons reçu par notre serviteur Julien, à son retour de Carthage, une lettre où votre Sainteté se montre à nous avec une telle lumière, qu’il nous a semblé, non pas vous voir pour la première fois, mais vous retrouver. Votre charité découle de Celui qui nous a prédestinés pour lui des l’origine du monde, de celui en qui nous étions faits avant de naître, parce que c’est lui qui nous a faits et non pas nous, et il a fait tout ce qui doit être. Formés par sa prescience et son œuvre pour l’accord des volontés et pour l’unité de la foi ou la foi de l’unité, nous sommes unis ensemble à l’aide d’une charité qui a devancé la connaissance que nous avons eue les uns des autres, et qui nous rapprochait mutuellement, grâce aux révélations de l’Esprit divin, avant que nos visages se fussent rencontrés. C’est pourquoi nous nous en réjouissons et nous nous en glorifions dans le Seigneur, qui, seul et toujours le même, opère partout dans les siens sa charité par son Esprit saint qu’il a répandu sur toute chair, versant avec les flots rapides de son fleuve une pure allégresse dans la cité qui lui appartient : il vous a fait le chef de cette ville qu’il aime, et vous en a donné le siège apostolique. Et nous, qu’il a relevés de nos ruines et tirés de la poussière de la pauvreté, il a bien voulu nous donner une part de vos dignités[1]. Mais nous rendons surtout grâces à Dieu de nous avoir donné une place dans votre cœur ; il a daigné nous mettre si avant dans vos entrailles, que nous avons le droit de croire à votre particulière affection ; tels ont été vos bons offices et vos dons, que nous ne pouvons pas vous aimer peu, ni vous aimer sans une entière confiance.

2. Nous avons reçu, en effet, une grande marque de votre affection et de votre sollicitude : l’ouvrage en cinq livres[2] d’un homme saint et parfait dans le Seigneur Christ, notre frère Augustin : notre admiration pour cet ouvrage est si vive, qu’il nous semble que c’est Dieu qui l’a dicté. Aussi, encouragés par notre douce union avec vous, avons-nous osé écrire à Augustin lui-même, espérant que vous voudrez bien excuser auprès de lui notre ignorance et nous recommander à sa charité : nous recommander également à tous les saints dont vous avez daigné nous transmettre les témoignages bienveillants : daigne aussi votre sainteté offrir, avec une affection pareille, nos respectueuses salutations soit à ceux qui dans le clergé sont associés à vos religieux travaux, soit à ceux qui, dans les monastères, sont les imitateurs de votre foi et de votre vertu. Bien que, placé au milieu des peuples avec la garde d’un peuple, vous gouverniez,

  1. Saint Paulin était alors prêtre et ne fut évêque de Nole que dans l’année 409.
  2. Il s’agit ici des traités de saint Augustin contre les Manichéens.