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LETTRES DE SAINT AUGUSTIN. — PREMIÈRE SÉRIE.

permis de m’en instruire qu’il m’aimait davantage ? »

6. Réfléchissez à tout cela, vénérable Valère, je vous en supplie au nom de la bonté et de la sévérité du Christ, au nom de sa miséricorde et de sa justice, au nom de Celui qui vous a inspiré une si grande charité à mon égard que je n’ose vous accuser en rien, pas même quand il s’agit de sauver mon âme. Vous prenez à témoin Dieu et le Christ de la pureté de vos pensées, de votre charité, de la sincère affection que vous avez pour moi, comme si moi-même je ne pouvais pas au besoin assurer par serment que ces sentiments-là sont vraiment dans votre cœur. C’est cette même charité, c’est cette affection que j’implore pour que vous ayez pitié de moi et que vous m’accordiez le temps que je vous ai demandé ; aidez-moi de vos prières afin que mon désir d’obtenir ce qui me manque ne soit pas inutile, et que les jours de ma retraite ne soient pas sans fruits pour l’Église du Christ, pour mes frères et pour tous ceux qui servent Dieu avec moi. Je sais que le Seigneur ne dédaignera pas une charité comme la vôtre, intercédant pour moi en pareille occasion ; il la recevra comme un sacrifice de suavité, et peut-être alors m’instruira-t-il des plus salutaires conseils de ses Écritures en moins de temps que je n’en ai demandé.

LETTRE XXII.


(Année 390.)

Cette lettre où l’âme, le caractère et l’humilité de saint Augustin se peignent si bien, est également curieuse pour l’histoire des chrétiens d’Afrique à cette époque ; notre saint déplore des usages grossiers et coupables, sous apparence de religion, dans les cimetières et sur les tombeaux des martyrs, et supplie l’évêque de Carthage de remédier à ces détestables abus. Il se plaint de trouver jusque dans le clergé l’esprit contentieux et le goût des louanges humaines, et parle de l’amour des louanges avec l’élévation du sentiment chrétien et la profondeur du moraliste.

AUGUSTIN, PRÊTRE, A AURÈLE, ÉVÊQUE DE CARTHAGE.

1. Après avoir longtemps et inutilement cherché à bien répondre à la lettre de votre sainteté (car mon affection pour vous, grandement excitée par cette lettre, s’est trouvée au-dessus de toutes choses), je me suis recommandé à Dieu pour que, selon la mesure de mes forces, je pusse vous écrire ce qui conviendrait le mieux, à notre zèle pour les intérêts de Dieu et de l’Église, à votre dignité et à mon obéissance. Et d’abord cette confiance que vous avez dans mes oraisons, non-seulement je ne la repousse pas, mais encore je l’aime ; si ce n’est pas dans mes prières, ce sera certainement dans les vôtres que le Seigneur m’exaucera. Je vous remercie, plus que mes paroles ne sauraient vous le dire, d’avoir bien voulu que notre frère Alype demeurât au milieu de nous pour servir d’exemple à ceux de nos frères qui désirent échapper aux soins inquiets de ce monde : puisse le Seigneur vous rendre le prix de ce service en bienfaits pour votre âme ! Notre naissante communauté tout entière vous est reconnaissante et vous aime de vouloir bien veiller sur nous malgré les distances qui nous séparent, comme étant très-présent ici par la pensée. Aussi nous prions tant que nous pouvons pour que le Seigneur daigne soutenir avec vous le troupeau confié à votre garde, pour qu’il ne vous abandonne en quelque lieu que ce soit, mais qu’il demeure votre aide dans le besoin, accordant miséricorde à son Église par votre sacerdoce, ainsi que le lui demandent les larmes et les gémissements des hommes religieux.

2. Sachez, seigneur bienheureux et si vénérable par l’abondance de la charité, que nous ne désespérons pas, mais que nous espérons beaucoup de voir le Seigneur notre Dieu, par l’autorité de la charge que vous remplissez, autorité non pas extérieure mais spirituelle, délivrer l’Église d’Afrique, grâce à de sérieux conseils, des souillures et des maladies dont elle souffre dans beaucoup de ses membres et qui n’en font gémir qu’un petit nombre. Parmi les trois genres de vices que l’Apôtre apprend brièvement et au même endroit, à détester et à fuir, et d’où s’élève comme une triste moisson de vices innombrables, celui qui se trouve cité en second lieu est le plus sévèrement poursuivi dans l’Église ; les deux autres, c’est-à-dire le premier et le dernier, paraissent tolérables aux yeux des hommes, et peu s’en faut qu’on ne les regarde plus comme des vices. Le Vase d’Election a dit : « Ne marchons pas dans les débauches ni les ivrogneries, dans les impudicités ni les dissolutions, ni dans les querelles ni dans les jalousies ; mais revêtez-vous de