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saint, lors même que des ombres y voilent la lumière. Car nous lui devons la soumission de notre intelligence, et une ferme assurance dans la rectitude et la vérité de toute lettre close à nos yeux. L’homme, « même spirituel, et renouvelé dans la connaissance de Dieu, selon l’image du Créateur (Coloss. III, 10), » doit être l’observateur et non pas le juge de la loi ( Jacq. IV, 11).

Son jugement ne va pas non plus à discerner les hommes de l’esprit des hommes de la chair, s’il ne les connaît par leurs œuvres, comme « l’arbre se connaît par son fruit ( Math. VII, 20). » Votre regard seul les voit, mon Dieu ; vous les connaissez déjà, Seigneur, et vous les aviez déjà distingués ; vous les aviez appelés dans le secret de votre conseil, avant même de créer le firmament.

Quoique spirituel, il ne juge pas non plus des générations turbulentes du siècle. « Pourquoi jugerait-il ceux de dehors ( I Cor. V, 12), » puisqu’il ignore quels sont dans ce nombre les élus appelés à goûter un jour la douceur de votre grâce, et les âmes qui doivent demeurer éternellement dans l’amertume de l’impiété ?

34. Ainsi donc, en formant l’homme à votre image, vous ne lui avez donné puissance ni sur les astres du ciel, ni sur le ciel secret, ni sur ce jour, ni sur cette nuit, que vous avez nommés avant la création, ni sur cette réunion des eaux qui s’appelle la mer ; il n’a reçu puissance que sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur tous les animaux, sur toute la terre, sur tout ce qui rampe à sa surface.

Il juge, il approuve ou condamne ce qu’il trouve bien ou mal, et dans la solennité du sacrement initiateur qui consacre à votre service ceux que votre miséricorde a pêchés au fond des eaux ; et dans ce banquet sacré où le mystique poisson, tiré du fond de l’abîme, est servi pour nourrir la terre ; et dans les discours, dans les paroles, oiseaux fidèles, qui volent sous le firmament de l’autorité des saintes Ecritures ; interprétations, expositions, discussions, controverses, bénédictions, prières, que les lèvres prononcent en formules sonores, afin que le peuple puisse répondre ainsi soit-il ! L’abîme du siècle, et la cécité de cette chair qui n’a pas d’yeux pour voir les pensées, telle est la cause de l’emploi des sons et du bruit dont on frappe les oreilles. Et voilà comment ces oiseaux qui se multiplient sur la terre sont néanmoins originaires des eaux.

L’homme spirituel juge encore, approuve ou condamne ce qu’il trouve bien ou mal, dans les œuvres, dans les mœurs des fidèles ; il juge des aumônes comme des fruits de la terre ; il juge de l’âme vivante qui sait, par la charité, les jeûnes, et les pieuses pensées apprivoiser ses passions ; il juge de tout ce qui se produit par des effets sensibles ; il est juge enfin, là où il a le pouvoir de corriger et de reprendre.

Chapitre XXIV, Pourquoi Dieu a béni l’Homme, les poissons et les oiseaux ?

35. Qu’ai-je lu ? Quel est ce mystère ? Voilà, Seigneur, que vous bénissez les hommes, afin qu’ils croissent, qu’ils multiplient, qu’ils remplissent la terre ( Gen. I, 27). N’y a-t-il point là un secret dont vous voulez nous insinuer quelque connaissance ? Pourquoi n’avez-vous pas également béni la lumière que vous avez nommée jour, et le firmament du ciel, et les flambeaux célestes, et les étoiles, et la terre et la mer ? Je dirais, ô Dieu ! qui avez créé l’homme à votre image, je dirais que vous avez voulu accorder à l’homme la faveur singulière de votre bénédiction, si vous n’eussiez béni de même les poissons pour qu’ils croissent, multiplient et peuplent les eaux de la mer ; si vous n’eussiez béni les oiseaux pour qu’ils multiplient sur la terre ( Gen I, 22).

Je dirais encore que votre bénédiction repose sur tous les êtres qui perpétuent leur espèce par la génération, si je voyais que votre divine main se fût étendue sur les plantes, les arbres et les animaux de la terre. Mais il n’a été dit ni aux végétaux, ni aux bêtes, ni aux serpents : Croissez et multipliez, quoiqu’ils s’accroissent par génération et se conservent dans leur espèce, comme les poissons, les oiseaux et les hommes.

36. Dirai-je donc, ô vérité ! ma lumière, qu’il n’y a là que vaines paroles tombées sans dessein ? Non, non, loin de moi, ô Père de toute piété ! loin de l’esclave de votre Verbe une semblable pensée ! Et si je ne puis pénétrer le sens de votre parole, qu’il l’entende mieux que moi, qu’il y puise selon la (512) contenance intellectuelle qu’il