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vie dans une autre, mais votre Ecriture s’étend sur tous les peuples jusqu’à la fin des siècles.

« Le ciel même et la terre passeront, mais vos paroles ne passeront point ( Matth. XXIV, 35). » — Cette peau sera pliée, et l’herbe qu’elle couvrait se flétrira dans sa beauté, mais votre Verbe demeure éternellement (Is. XL, 6). Nous ne le voyons maintenant que dans l’énigme des nues et le miroir du ciel ( I Cor. XIII, 12) ; il ne nous apparaît pas tel qu’il est ; car nous-mêmes, malgré l’amour de votre Fils pour nous, « nous ne voyons pas encore ce que nous serons après cette vie. » Il nous a regardés à travers le voile de sa chair ; il nous a comblés de ses caresses, et embrasés de son amour ; et nous courons après l’odeur de ses parfums. Mais, au jour de son apparition, nous serons semblables à lui, parce que nous le verrons tel qu’il est. (I Jean III, 2) » Tel qu’il est, Seigneur : ainsi nous le verrons, mais ainsi nous ne le voyons pas encore.

Chapitre XVI, Nul ne connaît Dieu, comme Dieu se connaît, lui-même.

19. Vous seul savez ce que vous êtes absolument, parce que seul vous êtes l’Etre immuable, l’immuable connaissance et la volonté immuable ; votre volonté est, et connaît immuablement ; votre connaissance est, et veut immuablement. Et vous ne trouvez pas juste que la lumière immuable soit connue, comme elle se connaît elle-même, de la lumière illuminée et muable. Aussi, mon âme est-elle « en votre présence comme une terre sans eau (Ps. CXIII, 6). » car elle ne peut pas plus faire jaillir d’elle-même la source qui la désaltère que la lumière qui l’illumine. Comme nous ne verrons la lumière que dans votre lumière, c’est en vous seul que nous pouvons puiser la vie (Ps. XXXV, 10).

Chapitre XVII, Comment on peut entendre la création de la mer et de la terre (Gen. I, 9, 11).

20. Quelle main a rassemblé en un même corps ces eaux d’amertume ? Elles tendent toutes et toujours à une même fin : le bonheur du temps et de la terre, malgré la diversité et l’agitation de leurs courants. Quel autre que vous, Seigneur, a dit aux eaux de se réunir en un même lieu ? Quel autre que vous a fait surgir la terre aride et altérée de votre grâce ? Seigneur, « cette mer est à vous ; elle est votre ouvrage ; et cette terre aride a été formée par vos mains (Ps. XCIV, 5). » Ce n’est point l’amertume des volontés, mais la réunion des eaux, qui a reçu le nom de mer. Car vous réprimez aussi les mauvaises passions des âmes ; vous fixez les limites qu’il leur est défendu de franchir ; enceinte puissante où leurs flots se brisent sur eux-mêmes (Job XXXVIII, 10, 11) ; et vous formez ainsi la mer du monde, et vous la gouvernez selon l’ordre de votre empire absolu sur toutes choses.

21. Mais ces âmes altérées de vous, présentes à vos regards, et séparées, pour une autre fin, de l’orageuse société de la mer, elles sont la Terre, que vous arrosez d’une eau mystérieuse et douce, pour qu’elle porte son fruit. Et cette terre fructifie, et docile au commandement du Seigneur, son Dieu, notre âme germe des œuvres de miséricorde, « selon son espèce, » l’amour et le soulagement du prochain dans les nécessités temporelles ; et ces fruits conservent la semence qui doit reproduire leur principe : car c’est du sentiment de notre misère que procède notre compassion pour l’indigence, et nous porte à la soulager comme nous voudrions l’être nous-mêmes dans une semblable détresse. Et il ne s’agit pas seulement d’une germination légère, d’une assistance facile, mais de cette végétation forte, de ce patronage héroïque de la charité, qui étend ses rameaux fructueux pour soustraire au bras du fort la faible victime, en l’abritant sous l’ombrage vigoureux de la justice.

Chapitre XVIII, Les justes peuvent être comparés aux astres ( Gen. I, 14).

22. Oui, Seigneur, oui, je vous en supplie, vous dont l’influence répand dans les âmes une sève de joie et de force, Seigneur, que la vérité sorte de la terre, que la justice abaisse ses regards du haut du ciel (Ps. LXXXIV, 12) ; et « que des astres nouveaux étincellent dans le firmament ! » Partageons notre pain avec celui qui a faim ; recevons sous notre toit le pauvre qui n’a point de gîte ; couvrons celui qui est nu ; et ne méprisons pas les concitoyens de notre boue. Dès que notre terre aura produit ces fruits, (507) voyez,