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dominer universellement les paroles du mensonge et les doctrines de l’orgueil ?

Oui, si j’eusse été Moïse (pourquoi non ? ne sommes-nous pas sortis tous du même limon, « et qu’est-ce que l’homme ? est-il quelque chose si vous ne vous souvenez de lui ( Ps. VIII, 5) ? ) », oui, si j’eusse été Moïse, et que vous m’eussiez enjoint d’écrire le livre de la Genèse, je vous aurais demandé un style doué de telles propriétés de puissance et de mesure, que les intelligences encore incapables de concevoir la création ne pussent récuser mes paroles comme au-dessus de leur portée, et que les intelligences plus élevées y trouvassent en peu de mots toute vérité qui s’offrît à leur pensée et qu’enfin, si votre lumière dévoilait à certains esprits quelques vérités nouvelles, aucune d’elles ne fût hors du sens de votre prophète.

Chapitre XXVII, Abondance de l’écriture.

37. Une source est plus abondante en son humble bassin, pour fournir, au cours des ruisseaux qu’elle alimente, qu’aucun de ces ruisseaux qui en dérivent et parcourent de longues distances ; de même le récit de votre prophète, où vos serviteurs devaient tant puiser, fait jaillir en un filet de paroles des courants de vérité, que des saignées fécondes dirigent çà et là par de lointaines sinuosités de langage.

Quelques-uns, à la lecture des premières lignes, se représentent Dieu comme un homme, ou comme un être corporel, doué d’une puissance infinie, qui, par une étrange soudaineté de vouloir, aurait produit hors de lui, dans une étendue distante de lui-même, ces deux corps immenses et contenant toutes choses, l’un supérieur, l’autre inférieur. Et s’ils entendent ces mots : « Dieu dit :, Que cela soit, et cela fut, » ils se figurent une parole qui commence et finit, qui résonne et passe dans le temps, et dont le son expire à peine, que l’être appelé commence à surgir ; enfin, je ne sais quelles imaginations venues du commerce de la chair. Ceux-là sont de petits enfants. L’Ecriture incline son langage jusqu’à leur bassesse, qu’elle recueille en son sein maternel. Et déjà l’édifice du salut s’élève en eux par la foi qui les assure que Dieu seul a créé tous les êtres dont l’admirable variété frappe leurs sens. Mais si l’un de ces nourrissons, dans l’orgueil de sa faiblesse, méprisant l’humilité des divines paroles, s’élance hors du berceau, le malheureux ! il va tomber, Seigneur, jetez un regard de compassion sur ce petit du passereau, il est encore sans plumes ; les passants vont le fouler aux pieds ; envoyez un de vos anges pour le reporter dans son nid, afin qu’il vive, en y demeurant tant qu’il ne sera pas en état de voler.

Chapitre XXVIII, Des divers sens qu’elle peut recevoir.

38. Pour les autres, ces paroles ne sont plus un nid, mais un verger fertile où ils voltigent tout joyeux, à la vue des fruits cachés sous le feuillage ; et ils les cherchent, et ils les cueillent en gazouillant. Car ils découvrent à la lecture ou à l’audition de ces paroles, que votre éternelle permanence, ô Dieu, demeure au-dessus de tous les temps passés et futurs, et qu’il n’est pourtant aucune créature temporelle qui ne soit votre ouvrage.

Et ils voient que votre volonté, n’étant pas autre que vous-même, ne saurait subir aucun changement, et que ce n’est point par survenance de résolution soudaine et sans précédent, que vous avez, créé le monde. Ils savent que vous avez produit tout être, non pas en tirant de vous une ressemblance parfaite de vous-même, mais du néant la plus informe dissemblance, capable cependant de recevoir une forme par l’impression du caractère de votre substance. Ils savent que puisant en vous seul, chacune suivant la contenance et la propriété de son être, toutes les créatures sont très-bonnes, soit que, fixées auprès de vous, elles demeurent dans votre stabilité, soit que, successivement éloignées de vous par la distance des temps et des lieux, elles opèrent ou attestent cette splendide harmonie qui révèle votre gloire. Voilà ce qu’ils voient, et ils se réjouissent, autant qu’il leur est possible ici-bas, dans la lumière de votre vérité.

39. L’un en considérant le début de la Genèse, « dans le principe Dieu créa, » porte sa pensée sur l’éternelle Sagesse, ce principe qui nous parle. Un autre entend par ces mêmes paroles. le commencement de la création ; elles sont, pour lui, équivalentes à celles-ci : « Dieu créa « d’abord. » Et parmi ceux qui s’accordent à reconnaître, dans ce principe, la Sagesse par (498) laquelle