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chapitre sixième.

comprenant pas d’abord, il se réserva d’y revenir lorsqu’il serait plus exercé dans l’intelligence des Livres saints. Et du reste Augustin ne s’était-il pas suffisamment préparé à la régénération baptismale ? Depuis le commencement de l’automne de 386 jusqu’à la fin de l’hiver de 387, n’avait-il pas été saintement et admirablement transformé par la prière et les pieuses larmes, les profondes méditations et les recherches sublimes, et par ces premiers combats livrés en faveur de la vérité qu’on voulait proscrire du milieu des hommes, en faveur de la Providence qu’on niait, en faveur de la saine philosophie qui voit dans la religion une céleste sueur ? Combien la solitude de Cassiacum avait été féconde pour le cœur d’Augustin ! il sortait de cette retraite comme saint Jean de son désert, et celui qui est l’énergie éternelle avait fortifié les épaules d’Augustin pour les préparer au fardeau d’une grande mission dans l’Église catholique.

Augustin avait passé sept mois à Cassiacum, depuis le 23 août 386 jusqu’au 23 mars 387. Revenu à Milan et en attendant le jour de son baptême, il composa le livre de l’Immortalité de l’âme comme complément des Soliloques. Possidius, le disciple et le biographe de saint Augustin, mentionne des Essais sur la dialectique, la rhétorique, la géométrie, l’arithmétique et la philosophie[1] ; saint Augustin ne les avait plus lorsqu’il travaillait à la Revue de ses ouvrages.

En ce temps-là, comme cela se voit aujourd’hui encore à Rome, on baptisait à Pâques. La solennité pascale de l’année 387 devait rester à jamais célèbre par le baptême du plus profond docteur de notre foi. La cérémonie eut lieu dans la nuit du 24 au 25 avril, au baptistère de saint Jean, situé auprès de l’église métropolitaine. Adéodat et Alype furent faits chrétiens en même temps qu’Augustin : saint Ambroise lui-même les purifia dans les eaux salutaires. Un instinct religieux, un pressentiment sacré avertissait-il le grand évêque de Milan que cet Augustin, prosterné à ses pieds, serait la plus grande lumière de l’Église[2] ? Rien ne nous l’apprend ; mais saint Ambroise, baptisant Augustin, nous paraît offrir une des plus belles scènes de l’histoire.

Le chant religieux dans la basilique de Milan attendrissait le fils de Monique. « Combien j’étais ému ! dit-il[3] ; que de larmes s’échappaient de mes yeux, lorsque j’entendais retentir dans votre église le chœur mélodieux des hymnes et des cantiques qu’elle élève sans cesse vers vous ! Tandis que ces célestes paroles pénétraient dans mes oreilles, votre vérité entrait par elles doucement dans mon cœur ; l’ardeur de ma piété semblait en devenir plus vive ; mes larmes coulaient toujours, et j’éprouvais du plaisir à les répandre. »

Il y avait un an que le chant était adopté dans la basilique de Milan. On sait à quelle occasion. L’impératrice Justine, mère du jeune empereur Valentinien, s’étant laissé entraîner dans l’arianisme, poursuivait cruellement saint Ambroise ; le peuple tout entier courut s’enfermer dans l’église, résolu à périr auprès de son évêque. La mère d’Augustin avait suivi les fidèles. De peur que le peuple ne succombât à l’ennui d’une épreuve trop prolongée, saint Ambroise fit chanter des hymnes et des psaumes, selon l’usage des Églises d’Orient. Telle fut en Occident l’origine du chant catholique[4]. À la suite de la découverte merveilleuse des corps de saint Gervais et de saint Protais, des possédés et un aveugle avaient été guéris par les reliques des deux martyrs, et ces prodiges arrêtèrent les persécutions dirigées contre saint Ambroise.

Une fois chrétien, Augustin ne songea plus qu’à retourner en Afrique, où tant de grandes œuvres l’attendaient. Un ami de plus était entré dans sa pieuse intimité ; Évode, de Thagaste, auparavant agent d’affaires de l’empereur, et, depuis son baptême, uniquement occupé à servir Dieu, cheminait dans les voies du ciel avec Augustin, Adéodat et Alype. Au mois d’août ou au mois de septembre de 387, Augustin, sa mère, son fils et ses amis avaient quitté Milan pour se diriger vers leur contrée natale. C’est à Ostie, à l’embouchure du Tibre, qu’ils devaient s’embarquer sur un même navire ; mais Monique n’était pas destinée à revoir l’Afrique avec son cher Augustin. Peu après que la sainte caravane fut arrivée à Ostie, Monique tomba malade et mourut.

Durant les derniers jours que cette admirable femme passa dans ce monde, elle eut avec son

  1. Tillemont doute que ces divers Essais soient de saint Augustin.
  2. Il n’est nullement prouvé que le Te Deum de saint Ambroise ait été chanté pour la première fois après le baptême de saint Augustin.
  3. Confess., liv. ix, chap. 11.
  4. À l’époque où saint Augustin écrivait ses Confessions, l’usage du chant était presque général dans toutes les églises du monde.