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Arrivé à la trente-deuxième année, il va trouver le vieillard Simplicianus. — Il apprend la conversion de Victorinus, rhéteur célèbre. — Potitianus lui fait le récit de la vie de saint Antoine. — Agitation de son âme pendant ce récit. — Lutte entre la chair et l’esprit. — Derniers combats. — Il se rend à cette voix du ciel : Prends, lis ! Prends, lis !

Chapitre premier, Augustin va trouver le vieillard Simplicianus.

1. Mon Dieu, que mes souvenirs soient des actions de grâces, et que je publie vos miséricordes sur moi ! Que toutes mes puissances intérieures se pénètrent de votre amour, qu’elles s’écrient : « Seigneur, qui est semblable à vous (Ps. XXXIV, 10) ? » Vous avez brisé mes liens ; que mon cœur vous sacrifie un sacrifice de louange (Ps. CXV, 17). Je raconterai comment vous les avez brisés, et tous ceux qui vous adorent diront à ce récit : Béni soit le Seigneur au ciel et sur la terre ! Grand et admirable est son nom.

Vos paroles s’étaient gravées au fond de mon âme, et votre présence l’assiégeait de toutes parts. J’étais certain de votre éternelle vie, quoiqu’elle ne m’apparût qu’en énigme et comme en un miroir ( I Cor. XIII, 12). Il ne me restait plus aucun doute que votre incorruptible substance ne fût le principe de toute substance, et ce n’était pas plus de certitude de vous, mais plus de stabilité en vous que je désirais. Car dans ma vie temporelle tout chancelait, et mon cœur était à purifier du vieux levain ; et la voie, le Sauveur lui-même me plaisait, mais je redoutais les épines de son étroit sentier.

Et votre secrète inspiration me fit trouver bon d’aller vers Simplicianus, qui me semblait un de vos fidèles serviteurs ; en lui résidaient les lumières de votre grâce. J’avais appris que dès sa jeunesse il avait vécu dans la piété la plus fervente. Il était vieux alors, et ces long jours, passés dans l’étude de vos voies, me garantissaient sa savante expérience ; et je ne fus pas trompé. Je voulais, en le consultant sur les perplexités de mon âme, savoir de lui le traitement propre à la guérir, à la remettre dans votre chemin.

2. Car je voyais bien votre Eglise remplie, mais chacun y suivait un sentier différent. Je souffrais de vivre dans le siècle, et je m’étais à charge à moi-même ; l’ardeur de mes passions déjà ralentie ne trouvait plus dans l’espoir des honneurs et de la fortune un aliment à la patience d’un joug si lourd. Ces espérances perdaient leurs délices, au prix de votre douceur et de la beauté de votre maison que j’aimais ( Ps. XXV, 8). Mais le lien le plus fort qui me retînt, c’était la femme. Et l’Apôtre ne me défendait pas le mariage, quoiqu’il nous convie à un état plus parfait, lui qui veut que tous les hommes soient comme il était lui-même ( I Cor. VII, 7).

Trop faible encore, je me cherchais une place plus douce ; aussi je me traînais dans tout le reste, plein de langueur, rongé de soucis et pressentant certains ennuis, dont je déclinais le fardeau, dans cette vie conjugale qui enchaînait tous mes vœux. J’avais appris de la bouche de la Vérité même, qu’il est des eunuques volontaires pour le royaume des cieux : mais, « entende, qui peut entendre, » ajoute l’Homme-Dieu (Matth. XIX, 12).

« Vanité que l’homme qui n’a pas la science de Dieu, à qui la vue du bien n’a pas dévoilé celui qui est (Sag. XIII, 1). » J’étais déjà sorti de ce néant. Je m’élevais plus haut ; guidé parle témoignage universel de votre création, je vous avais trouvé, ô mon Créateur, et en vous votre Verbe, Dieu un avec vous et le Saint-Esprit, par qui vous avez tout créé. Il est encore une autre sorte d’impies qui connaissent Dieu, mais sans le glorifier comme Dieu (Rom. I, 21), sans lui rendre hommage. Voilà le (429) précipice