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lui à une participation privilégiée de la sagesse, qui lui assurait la prééminence sur les autres hommes.

Alypius pensait que, dans leur croyance d’un Dieu vêtu de chair, les catholiques ne trouvaient en Jésus-Christ que le Dieu et la chair, et il ne croyait point qu’ils affirmassent en lui l’esprit et l’âme de l’homme. Et comme il était fermement persuadé que tout ce que la tradition conserve de lui dans la mémoire humaine n’avait pu s’accomplir en l’absence du principe vital et raisonnable, il ne venait qu’à pas lents à la foi catholique. Mais bientôt découvrant dans cette erreur l’hérésie des Apollinaristes, il embrassa avec joie la foi de l’Eglise.

Pour moi, je n’appris, je l’avoue, que quelque temps après, quelle dissidence sur le mystère du Verbe incarné s’élève entre la vérité catholique et le mensonge de Photin. Les contradictions de l’hérésie mettent en saillie les sentiments de votre Eglise, et produisent au jour la saine doctrine. « Il fallait qu’il y eût des hérésies, pour que les cœurs à l’épreuve fussent signalés entre les faibles ( I Cor. XI, 19).

Chapitre XX, Les livres des platoniciens l’avaient rendu plus savant, mais plus vain.

26. Les livres des Platoniciens que je lisais alors, m’ayant convié à la recherche de la vérité incorporelle, j’aperçus, par l’intelligence de vos ouvrages, vos perfections invisibles. Et là, contraint de m’arrêter, je sentis que les ténèbres de mon âme offusquaient ma contemplation ; j’étais certain que vous êtes, et que vous êtes infini, sans cependant vous répandre par les espaces finis ou infinis ; mais toujours vous-même, dans l’intégrité de votre substance, et la constance de vos mouvements ; j’étais certain que tout être procède de vous, par cette seule raison fondamentale qu’il est ; certain de tout cela, j’étais néanmoins trop faible pour jouir de vous.

Et je parlais comme ayant la science, et si je n’eusse cherché la voie dans le Christ Sauveur, cette science n’allait qu’à ma perte. Je voulais déjà passer pour sage, tout plein encore de mon supplice, et je ne pleurais pas, et je m’enflais de ma sagesse.

Car où était cette charité qui bâtit sur les fondations de l’humilité, sur Jésus-Christ lui-même ? Et ces livres pouvaient-ils me l’enseigner ? Et, sans doute, vous me les avez fait tomber entre les mains avant que j’eusse médité vos Ecritures, pour qu’il me souvînt en quels sentiments ils m’avaient laissé ; et que dans la suite, pénétré de la douceur de vos saints livres, pansé de mes blessures par votre main, je susse quel discernement il faut faire de la présomption et de l’aveu ; de qui voit où il faut aller, sans voir par où, et de qui sait le chemin conduisant non-seulement à la vue, mais à la possession de la patrie bienheureuse. Peut-être, formé d’abord par vos saintes Lettres, dont l’habitude familière m’eût fait goûter votre douce saveur, pour tomber ensuite dans la lecture de ces livres, j’eusse été détaché du solide fondement de la piété, ou bien même demeurant le cœur imbibé de sentiments salutaires, j’aurais pu croire que la lecture de ces philosophies suffit pour en produire de semblables.

Chapitre XXI, Il trouve dans l’écriture l’humilité et la vraie voie du salut.

27. Je dévorai donc avidement ces vénérables dictées de votre Esprit, et surtout l’apôtre Paul ; et, en un moment, s’évanouirent ces difficultés où il m’avait paru quelquefois en contradiction avec lui-même, et son texte en désaccord avec les témoignages de la Loi et des Prophètes. Et je saisis l’unité de physionomie de ces chastes éloquences, et je connus cette joie où l’on tremble.

Et j’appris aussitôt que tout ce que j’avais lu de vrai dans ces autres livres s’enseignait ici avec l’idée toujours présente de votre grâce, afin que celui qui voit ne se glorifie pas, comme s’il n’eût pas reçu, non-seulement ce qu’il voit, mais aussi de voir. (Qu’a-t-il, en effet, qu’il n’ait reçu ( I Cor. IV, 7) ? ) afin que votre parole lui donne non-seulement les yeux pour voir, mais aussi la force pour embrasser votre immutabilité ; afin que le voyageur encore trop éloigné pour vous découvrir, prenne la bonne route, vienne à vous, vous voie et vous embrasse.

Que si l’homme se plaît dans la loi de Dieu, selon l’homme intérieur, que fera-t-il de cette autre loi, incarnée dans ses membres, qui (427) combat