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l’a ressuscité des « morts et lui a donné un nom au-dessus de tout autre nom, afin qu’à ce nom de Jésus tout genou fléchisse au ciel, sur la terre dans les enfers, et que toute langue confesse que Jésus Notre-Seigneur est dans la gloire de Dieu son Père ( Philip. II, 6-11) ; » c’est ce que ces livres ne disent pas.

Qu’il est avant les temps, au delà des temps, dans une immuable pérennité, comme votre Fils, coéternel à vous ; que, pour être heureuses, les âmes reçoivent de sa plénitude(Jean I, 16), et que pour être sages, elles sont renouvelées par la communion de la sagesse résidant en lui ; cela est bien ici. « Mais qu’il soit mort dans le temps pour les impies (Rom. V, 6) ; que vous n’ayez point épargné votre Fils unique, et que pour nous tous vous l’ayez livré (Ibid. VIII, 32), » c’est ce qui n’est pas ici. Vous avez caché ces choses aux sages, et les avez révélées aux petits, afin de faire venir à lui les souffrants et les surchargés, pour qu’il les soulage. Car il est doux et humble de cœur (Matth. XI, 25, 28, 29), il conduit les hommes de douceur et de mansuétude dans la justice, il leur enseigne ses voies, et à la vue de notre humilité et de nos souffrances, il nous remet tous nos péchés ((Ps. XXIV, 9, 18). Mais élevés sur le cothurne d’une doctrine soi-disant plus sublime, les hommes d’orgueil ne l’entendent point nous dire : « Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos de vos âmes (Matth. XI, 29) » s’ils connaissent Dieu, ils ne l’honorent pas, ils ne le glorifient pas comme Dieu ; ils se dissipent dans la vanité de leurs pensées, et leur cœur insensé se remplit de ténèbres ; se proclamant sages, ils deviennent fous.

15. Ainsi cette lecture même me montrait la profanation de votre incorruptible gloire transportée à des idoles, aux statues formées à la ressemblance de l’homme corruptible, à l’image des oiseaux, des bêtes et des serpents (Rom. I, 21, 23) ; » fatal mets d’Egypte qui fait perdre à Esaü son droit d’aînesse (Genès. XXV, 33, 34.), et frappe de déchéance votre peuple premier-né, dont le cœur tourné vers ta terre de Pharaon, adorant une brute au lieu de vous, incline votre image, son âme, devant l’image d’un veau qui rumine son foin (Exod. XXXII, 1-6 ; Ps. CV, 19, 20.) !

Voilà ce que je trouvai dans ces écrits, mais je ne goûtai pas de cette profane nourriture ; car il vous a plu, Seigneur, de lever l’opprobre de Jacob, et de soumettre l’aîné au plus jeune (Rom. IX, 13) ; et vous avez appelé les nations à votre héritage. Et je venais à vous, sorti des rangs étrangers, et mes désirs se tournaient vers l’or que votre peuple emporta de la maison de servitude par votre commandement (Exod. III, 22 ; XI, 2), parce qu’il était à vous, où qu’il fût. N’avez-vous pas dit aux Athéniens par votre Apôtre : « C’est en lui que nous avons la vie, le mouvement et l’être (Act. XVII, 28), » comme plusieurs d’entre eux l’avaient déjà dit ? Et je ne m’arrêtai pas devant ces idoles égyptiennes servies dans l’or de vos vases par ces insensés « qui transforment la vérité divine en mensonge, et rendent à la créature le culte et l’hommage dus au Créateur (Rom. I, 25). »

Chapitre X, Il découvre que Dieu est la lumière immuable.

16. Ainsi averti de revenir à moi, j’entrai dans le plus secret de mon âme, aidé de votre secours. J’entrai, et j’aperçus de l’œil intérieur, si faible qu’il fût, au-dessus de cet œil intérieur, au-dessus de mon intelligence, la lumière immuable ; non cette lumière évidente au regard charnel, non pas une autre, de même nature, dardant d’un plus vaste foyer de plus vifs rayons et remplissant l’espace de sa grandeur. Cette lumière était d’un ordre tout différent. Et elle n’était point au-dessus de mon esprit, ainsi que l’huile est au-dessus de l’eau, et le ciel au-dessus de la terre ; elle m’était supérieure, comme auteur de mon être ; je lui étais inférieur comme son ouvrage. Qui connaît la vérité voit cette lumière, et qui voit cette lumière connaît l’éternité. L’amour est l’œil qui la voit,

O éternelle vérité ! ô vraie charité ! ô chère éternité ! vous êtes mon Dieu ; après vous je soupire, jour et nuit ; et dès que je pus vous découvrir, vous m’avez soulevé, pour me faire voir qu’il me restait infiniment à voir, et que je n’avais pas encore les yeux pour voir. Et vous éblouissiez ma faible vue de votre vive et pénétrante clarté, et je frissonnais d’amour et d’horreur. Et je me trouvais bien loin de vous, aux régions souterraines où j’entendais à peine votre voix descendue d’en-haut : « Je suis la nourriture des forts ; crois, et tu me mangeras. Et je ne passerai pas dans ta substance, (423)