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où reposer, et je n’y pouvais demeurer, et dire : Cela suffit, je suis bien ; et il ne m’était plus permis de revenir où j’eusse été mieux. Supérieur à ces objets, inférieur à vous, je vous suis soumis, ô ma véritable joie, et vous m’avez soumis tout ce que vous avez fait au-dessous de moi.

Et tel est le tempérament de rectitude, la moyenne région où est le salut : demeurant l’image de mon Dieu, ma fidélité à vous servir m’eût assuré la domination sur mon corps. Mais mon orgueil s’est dressé contre vous, je me suis élancé contre mon Seigneur sous le bouclier d’un cœur endurci ( Job, XV, 26), et tout ce que je foulais aux pieds s’est élevé au-dessus de ma tête, pour m’opprimer, sans trève, sans relâche. Tous ces corps, je les rencontrais en foule, en masse serrée, sur le passage de mes yeux ; je voulais rentrer dans ma pensée, et leurs images m’interceptaient le retour, et je croyais entendre : Où vas-tu, indigne et infâme ?

Et telles étaient les excroissances de ma plaie, parce que vous m’aviez humilié comme un blessé superbe (Ps. LXXXVIII, 11.) ; le gonflement de mon âme me séparait de vous, et l’enflure de ma face me fermait les yeux.

Chapitre VIII. Dieu entretenait son inquiétude jusqu’à ce qu’il connut la vérité.

12. Et vous, Seigneur, vous demeurez éternellement, mais votre colère contre nous n’est pas éternelle, puisque vous avez eu pitié de ma boue et de ma cendre, et que votre regard a daigné réformer toutes mes difformités.

Votre main piquait d’un secret aiguillon mon cœur agité pour entretenir son impatience, jusqu’à ce que l’évidence intérieure lui eût dévoilé votre certitude, et, mon enflure diminuait à votre contact puissant et caché, et l’œil de mon âme, trouble et ténébreux, guérissait de jour en jour par le cuisant collyre des douleurs salutaires.

Chapitre IX, Il avait trouvé la divinité du verbe dans les livres des platoniciens, mais non pas l’humilité de son incarnation.

13. Et voulant d’abord me faire connaître comment vous résistez aux superbes et donnez votre grâce aux humbles ( I Pierre, V, 5) et quelles prodigalités de miséricorde a répandues sur la terre l’humilité de votre Verbe fait chair et habitant parmi nous, vous m’avez remis, par les mains d’un homme, monstre de vaine gloire, plusieurs livres platoniciens, traduits de grec en latin, où j’ai lu, non en propres termes, mais dans une frappante identité de sens, appuyé de nombreuses raisons, « qu’au commencement était le Verbe ; que le Verbe était en Dieu, et que le Verbe était Dieu ; qu’il était au commencement en Dieu, que tout a été fait par lui et rien sans lui : que ce qui a été fait a vie en lui ; que la vie est la lumière, des hommes, que cette lumière luit dans les ténèbres, et que les ténèbres ne l’ont point comprise. » Et que l’âme de l’homme, « tout en rendant témoignage de la lumière, n’est pas elle-même la lumière, mais que le Verbe de Dieu, Dieu lui-même, est la vraie lumière qui éclaire tout homme venant en ce monde ; » et « qu’il était dans le monde, et que le monde a été fait par lui, et que le monde ne l’a point connu. Mais qu’il soit venu chez lui, que les siens ne l’aient pas reçu, et qu’à ceux qui l’ont reçu il ait donné le pouvoir d’être faits enfants de Dieu, à ceux-là qui croient en son nom ; » c’est ce que je n’ai pas lu dans ces livres.

14. J’y ai lu encore : « Que le Verbe-Dieu est né non de la chair, ni du sang, ni de la volonté de l’homme, ni de la volonté de la chair ; qu’il est né de Dieu. » Mais « que le Verbe se soit fait chair, et qu’il ait habité parmi nous (Jean, I, 1-14), » c’est ce que je n’y ai pas lu.

J’ai découvert encore plus d’un passage témoignant par diverses expressions, « que le Fils consubstantiel au Père, n’a pas cru faire un larcin d’être égal à Dieu, » parce que naturellement il n’est pas autre que lui. Mais qu’il « se soit anéanti, abaissé à la forme d’un esclave, à la ressemblance de l’homme, qu’il ait été trouvé homme dans tout ce qui a paru de lui, qu’il se soit humilié, qu’il se soit fait obéissant jusqu’à la mort, à la mort de la (422) croix ! — pourquoi Dieu