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Livre cinquième.

Il se dégoûte des doctrines manichéennes à l’âge de vingt-neuf ans. — Il va à Rome, puis à Milan pour enseigner la rhétorique. — Ayant entendu saint Ambroise, il rompt avec les manichéens et demeure catéchumène dans l’Église.

Chapitre premier.

que mon âme vous loue, seigneur, pour vous aimer.

1. Recevez le sacrifice de mes confessions, cette offrande de ma langue, formée, excitée par vous à confesser votre nom. Guérissez toutes les puissances de mon âme ; qu’elles s’écrient : « Seigneur, qui est semblable à vous[1] ? » Celui qui se confesse à vous, ne vous apprend rien de ce qui se passe en lui ; car votre regard ne reste pas à la porte d’un cœur fermé, et votre main n’est pas repoussée par la dureté des hommes ; votre miséricorde ou votre justice la rompt, quand il vous plaît ; « et personne ne se peut dérober à votre chaleur[2]. »

Que mon âme vous loue pour vous aimer ; qu’elle confesse vos miséricordes pour vous louer ! Votre création est un hymne permanent en votre honneur ; les esprits, par leur propre bouche ; les êtres animés et les êtres corporels, par la bouche de ceux qui les contemplent, publient vos louanges ; et notre âme se réveille de ses langueurs, elle se soulève vers vous en s’appuyant sur vos œuvres, pour arriver jusqu’à vous, Artisan de tant de merveilles ; là, est sa vraie nourriture ; là, sa véritable force.

Chapitre II.

où fuit l’impie, en fuyant dieu ?

2. Où vont, où fuient loin de vous ces hommes sans repos et sans équité ? Vous les voyez ; votre regard perce leurs ténèbres ; laideur obscure qui fait ressortir la beauté de l’ensemble. Quel mal ont-ils pu vous faire ? Quelle atteinte porter à votre empire qui demeure dans sa justice et son inviolabilité du plus haut des cieux au plus profond des abîmes ? Où ont-ils fui, en fuyant votre face ? Où pouvaient-ils vous échapper ? Ils ont fui, pour ne pas voir Celui qui les voit ; pour ne vous rencontrer qu’étant aveugles. Mais « vous n’abandonnez rien de ce que vous avez fait[3]. » Les injustes vous ont rencontré, pour leur juste supplice ; ils se sont dérobés à votre douceur, pour trouver votre rectitude et tomber dans votre âpreté. Ils ignorent que vous êtes partout, vous, que le lieu ne comprend pas, et que seul vous êtes présent même à ceux qui vous fuient.

Qu’ils se retournent donc et qu’ils vous cherchent ; car pour être abandonné de ses créatures, le Créateur ne les abandonne pas. Qu’ils se retournent, et qu’ils vous cherchent ! Mais vous êtes dans leur cœur ; dans le cœur de ceux qui vous confessent, qui se jettent dans vos bras, qui pleurent dans votre sein au retour de leurs pénibles voies. Père tendre, vous essuyez leurs larmes, et ils pleurent encore, et ils trouvent leur joie dans ces pleurs ; car, ce n’est pas un homme de chair et de sang, mais vous-même, Seigneur, qui les consolez, vous, leur Créateur, qui les créez une seconde fois ! Et où étais-je, quand je vous cherchais ? Et vous étiez devant moi ; mais absent de moi-même, et ne me trouvant pas, que j’étais loin de vous trouver !

Chapitre iii.

faustus. — aveuglement des philosophes.

3. Je vais parler, en présence de mon Dieu, de la vingt-neuvième année de mon âge. Il y avait alors à Carthage un évêque manichéen,

  1. Ps. xxxiv, 10.
  2. Ps. xviii, 7.
  3. Sag. xi, 25.