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que me servait un tel bien ? Car je ne m’apercevais des difficultés que ces sciences offraient aux esprits les plus vifs et les plus studieux, qu’en cherchant à leur en donner les solutions ; et le plus intelligent, c’était le moins lent à me suivre dans mes explications.

Et que m’en revenait-il encore, puisque je vous considérais, Seigneur mon Dieu, vérité suprême, comme un corps lumineux et immense, et moi comme un fragment de ce corps ? Ô excès de perversité ! voilà donc où j’en étais ! Et je ne rougis pas, mon Dieu, de confesser vos miséricordes sur moi, et de vous invoquer, moi qui ne rougissais pas alors de professer publiquement mes blasphèmes et d’aboyer contre vous. Et que me servait ce génie qui dévorait la science ? que me servait d’avoir, sans nulle assistance de maîtres, dénoué les plus inextricables ouvrages, quand une honteuse et sacrilége ignorance m’entraînait si loin des doctrines de la piété ? Et quel obstacle était-ce pour vos petits que la lenteur de leur esprit, si, demeurant toujours près de vous, ils attendaient en sûreté au nid de votre Église la venue de leurs plumes, ces ailes de la charité que fait croître l’aliment d’une foi sainte ?

Ô Seigneur, ô mon Dieu ! « espérons en l’abri de vos ailes[1] ; » protégez-nous, portez-nous. Vous nous porterez tout petits, « et vous nous porterez jusqu’aux cheveux blancs[2], » car notre force n’est force qu’avec vous ; elle n’est que faiblesse quand nous ne sommes qu’avec nous-mêmes. Tout notre bien vit en vous, et-notre rupture avec vous a fait notre corruption. Retournons à vous, Seigneur, pour n’être plus mortellement détournés. C’est en vous que vit notre bien, bien parfait, qui est vous-même. Craindrons-nous de ne plus retrouver au retour la demeure dont nous nous sommes précipités ? S’est-elle écroulée en notre absence cette demeure, qui est votre éternité ?

  1. Ps. lxii, 8.
  2. Is. xlvi, 4.