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OUVRAGES COMPOSÉS AVANT L’ÉPISCOPAT.

rent les pauvres, ce que j’ai écrit : « Ils sont appelés miséricordieux quand même ils seraient assez sages pour n’être plus troublés par aucune souffrance d’esprit[1], » ne se doit point prendre comme si j’avais prétendu qu’il y a dans cette vie de tels sages ; je n’ai pas dit : « parce qu’ils sont » mais « quand même ils seraient. »

5. En un autre endroit, je me suis exprimé ainsi[2] : « Mais lorsque cette charité fraternelle il aura nourri l’âme attachée à votre sein et l’aura fortifiée jusqu’à la rendre capable de suivre Dieu ; aussitôt que sa majesté aura commencé à se dévoiler à l’homme autant qu’il lui suffit pendant son séjour sur cette terre, l’ardeur de la charité s’allume tellement, et c’est un tel incendie d’amour divin, que tous les vices sont consumés, l’homme purifié et sanctifié, et que la divinité de cette parole sacrée : Je suis un feu dévorant[3], se manifeste avec éclat. » Les Pélagiens pourraient penser que j’ai affirmé la possibilité d’une telle perfection dans la vie mortelle : qu’ils ne se l’imaginent point. Cette ardeur d’amour capable de monter à la suite de Dieu, et de consumer tous les vices, peut naître et grandir en cette vie ; mais quant à achever ce pourquoi elle naît, et délivrer l’homme de tout vice, elle ne le peut. Cependant une aussi grande merveille s’accomplit par cette même ardeur d’amour, quand elle peut l’être et là où elle le peut, ainsi : comme le baptême de la régénération purifie de la culpabilité de tous les péchés qu’entraîne la tache originelle ou qu’a contractée l’iniquité humaine ; de la même manière cette perfection purifie de toute la souillure des penchants mauvais dont l’infirmité humaine ne peut être exempte en cette vie. C’est dans ce sens, en effet, que doit être comprise cette parole de l’Apôtre : « Le Christ a aimé l’Église et s’est livré lui-même pour elle ; la purifiant dans le baptême de l’eau par la parole, afin qu’elle parût devant lui une Église glorieuse, sans tache, sans rides, sans quoi que ce fût de ce genre[4]. » Car ici-bas est le baptême de l’eau par la parole, au moyen duquel l’Église est purifiée. Or, quand l’Église entière dit ici-bas : « Remettez-nous nos offenses[5], » elle n’est pas sans tache, sans ride, sans défaut de ce genre ; et cependant c’est de ce qu’elle reçoit ici-bas qu’elle s’élève à la perfection, à cette gloire qui n’est pas d’ici-bas.

6. Dans l’autre livre qui a pour titre : Des Mœurs des Manichéens, ce que j’ai avancé en ces termes : « La bonté de Dieu dispose tellement toutes les défections qu’elles sont là où elles doivent être le plus convenablement, jusqu’à ce que par un mouvement ordonné elles reviennent au point d’où elles s’étaient éloignées[6], » ne doit pas être pris comme si toutes ces choses revenaient au point d’où elles se sont écartées, ainsi que le croyait Origène ; mais seulement les choses qui sont sujettes à retour. Ainsi ceux qui sont punis du feu éternel ne reviennent pas à Dieu, qu’ils ont abandonné. C’est cependant la loi de toutes les défections de demeurer là où elles doivent être le plus convenablement ; aussi ces damnés qui ne reviennent pas demeurent plus convenablement dans le supplice. Ailleurs j’ai dit : « Presque personne ne doute que les scarabées ne vivent de leurs excréments cachés et mis en boules[7] ; » mais beaucoup de gens en doutent, et il en est même qui n’en ont jamais entendu parler. Cet ouvrage commence par ces mots : « Nous avons assez fait, je pense, dans nos autres livres… »


CHAPITRE VIII.

de la grandeur de l’âme.


1. C’est dans la même ville, à Rome, que j’ai écrit un dialogue où sont traitées diverses questions relatives à l’âme, à savoir : d’où elle est, ce qu’elle est, quelle est sa grandeur, pourquoi elle a été donnée au corps, ce qu’elle devient quand elle s’unit au corps, et quand elle s’en sépare. Mais ce que nous avons discuté avec le plus de soin et d’application, c’est sa grandeur ; désirant démontrer, si nous le pouvions, qu’elle n’est pas grande à la manière du corps, et que cependant elle est quelque chose de grand. Aussi cette étude a donné son nom à tout le livre qui a été appelé : De la Grandeur de l’Âme.

2. Lorsque j’ai dit dans ce livre : « L’âme me paraît avoir apporté avec elle tous les arts ; et ce qu’on nomme apprendre ne me semble pas autre chose que se rappeler et se souvenir[8] ; » il ne faut pas induire, de cette parole, que je suppose que l’âme ait vécu pendant un temps, soit ici-bas, dans un autre

  1. Liv. I, C. XXVII, n. 53.
  2. Ibid. C. XXX, n. 64.
  3. Deut. IV, 24 ; Héb. XII, 29.
  4. Éph. V, 25-27.
  5. Matth. VI, 12.
  6. Liv. II, C. VII, n. 9.
  7. Ibid. C. XVII, n. 63.
  8. C. XX, n. 34.