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OUVRAGES COMPOSÉS AVANT L’ÉPISCOPAT.

blance avec le vrai soit faux, puisque c’est une vérité dans son genre ; ensuite parce que je leur attribuais de croire à ces faussetés qu’ils nommaient vraisemblances, tandis qu’ils n’y croyaient pas et qu’ils affirmaient au contraire que le sage n’y peut adhérer. Mais comme ils appelaient ces mêmes vraisemblances probabilités, c’est ce qui m’a fait m’exprimer de la sorte. J’ai loué aussi Platon et les Platoniciens ou les philosophes de l’Académie[1], et je les ai exaltés plus que ne doivent l’être des impies ; je m’en repens à bon droit ; surtout, quand je songe que c’est contre leurs profondes erreurs qu’il faut partout défendre la doctrine chrétienne. Quand également, en comparaison des arguments de Cicéron dans ses livres académiques, j’ai nommé bagatelles[2] ces raisonnements invincibles que j’ai opposés aux siens ; quoique j’aie dit cela en jouant et par manière d’ironie, j’ai eu tort, je ne le devais pas dire.

Cet ouvrage commence par : « Plût à Dieu, Romanien, qu’un homme. »


CHAPITRE II.

de la vie bienheureuse. — un livre.

Ce livre de la Vie Bienheureuse, je l’ai composé, non pas après, mais entre mes livres contre les Académiciens. Le jour de ma naissance en fut l’occasion, et il fut achevé en trois jours de discussion, ainsi qu’il l’indique lui-même. Il établit que nous tous, qui nous livrions à cette recherche, nous tombâmes d’accord, que la vie bienheureuse ne peut consister que dans la parfaite connaissance de Dieu. J’ai regret d’avoir accordé plus que je n’aurais dû, à Manlius Théodore, homme d’ailleurs savant et chrétien, à qui j’ai dédié ce livre[3]. Je suis peiné aussi de m’être souvent servi du mot de « Fortune ; » comme également d’avoir dit que durant cette vie, la béatitude n’habite que dans la raison du sage[4], quel que fût l’état de son corps ; tandis que la parfaite connaissance de Dieu, c’est-à-dire la plus grande que puisse posséder l’homme, ne se peut espérer, au témoignage de l’Apôtre, que dans la vie future. C’est cette vie future qui seule doit être appelée bienheureuse, parce que le corps, devenu incorruptible et immortel, sera alors soumis à l’âme sans aucune souffrance et sans aucune résistance. J’ai trouvé dans mon manuscrit ce livre interrompu et fort écourté ; il avait été ainsi transcrit par quelques-uns de nos frères, et depuis que j’ai entrepris la révision actuelle, je n’ai pu encore en recouvrer un texte intégral qui pût me servir à faire des corrections. Ce livre commence ainsi : « Si la volonté même vous conduisait au port de la philosophie. »


CHAPITRE III.

de l’ordre. — deux livres

1. À cette même époque, et entre les livres sur les Académiciens, j’en écrivis deux sur l’Ordre, où je traite cette grande question Si l’ordre de la divine Providence contient tous les biens et les maux. Mais comme je remarquai que cette matière, si difficile à comprendre, ne pouvait, qu’avec assez de peine, parvenir par la discussion jusqu’à l’intelligence de mes interlocuteurs, je préférai les entretenir de l’ordre à observer dans leurs études et au moyen duquel on peut s’élever des choses corporelles aux incorporelles.

2. Mais il me déplaît dans ces livres d’avoir prononcé souvent encore le mot de « Fortune[5]. » Je regrette aussi de n’avoir pas ajouté « du corps », quand j’ai nommé les sens[6] comme également d’avoir beaucoup attribué aux sciences libérales[7], qu’ignorent beaucoup de saints et que plusieurs connaissent sans être des saints. Je suis fâché d’avoir parlé des Muses, même en plaisantant, comme de déesses[8] ; d’avoir appelé « l’admiration » un défaut[9], et d’avoir dit de philosophes sans piété véritable, qu’ils avaient brillé de l’éclat de la vertu. De même j’ai, non pas sur la foi de Platon ou des Platoniciens, mais de moi-même, admis deux mondes, l’un sensible, l’autre intelligible, allant même jusqu’à supposer que Notre-Seigneur l’avait voulu enseigner, parce qu’il n’a pas dit : « Mon royaume n’est point du monde » mais « mon royaume n’est point de ce monde[10]. » Il y a bien cependant quelque locution qui peut s’entendre ainsi ; et si le Seigneur Jésus a eu en vue un autre monde, ce monde-là doit plus convenablement s’entendre de celui où il y aura une « nouvelle terre » et « de nouveaux cieux » alors que cette prière sera accomplie : « Que votre règne arrive[11] » Aussi Platon ne

  1. Liv. III, C. XVII, n. 37.
  2. Ibid. C. XX, n. 45.
  3. Préf. n. 7 et suiv.
  4. Trois. disc.
  5. Liv. II, C. IX, n. 27.
  6. Liv. I, C. I, II, et suiv.
  7. Ibid. C. VIII et liv. II, C. XIV.
  8. Ibid. C. III, n. 6.
  9. Ibid. n. 8.
  10. Jean, XVIII, 36.
  11. Matth. VI, 10.