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LES RÉTRACTATIONS[1]
OU
LA REVUE DES OUVRAGES DE SAINT AUGUSTIN PAR LUI-MÊME.

DEUX LIVRES.

PRÉFACE.

1. J’entreprends enfin, avec l’aide de Dieu, l’accomplissement d’un dessein auquel je songeais depuis longtemps et que je ne veux plus différer. Je vais faire la révision de tout ce que j’ai écrit, livres, lettres ou traités ; je vais soumettre mes œuvres à une critique sévère, et ce qui m’y déplaît, à des annotations qui vaudront une censure.

Oserait-on avoir l’imprudence de me reprendre, parce que je reprends moi-même mes erreurs ? Si l’on me dit que je n’aurais pas dû écrire ce qui était de nature à me déplaire plus tard, on aura raison, et je suis de cet avis ; ce qu’on reproche justement à mes œuvres, je le leur reproche moi-même. Et je n’aurais rien à corriger si j’avais dit ce qu’il fallait dire.

2. Aussi bien, que chacun pense de mon entreprise ce qu’il voudra ; pour moi il m’importe d’avoir pris en considération, même ici, cette maxime de l’Apôtre : « Si nous nous jugions nous-mêmes, le Seigneur ne nous jugerait point[2]. » D’ailleurs, il est dit : « À parler beaucoup on ne saurait éviter de pécher[3] ; » et cette parole m’épouvante. Non pas parce que j’ai beaucoup écrit, ou parce que beaucoup de paroles que j’ai prononcées ont été conservées par écrit, bien que je ne les aie pas dictées (loin de moi cependant, de réputer paroles inutiles tout ce qui se dit de nécessaire, quels que soient le nombre et la longueur des discours) : mais ce qui me fait trembler devant cette sentence de l’Écriture, c’est que dans le grand nombre de mes dissertations on peut recueillir beaucoup de paroles qui, si elles ne sont pas erronées, peuvent cependant paraître inutiles ou même le sont réellement. Quel est donc le serviteur fidèle du Christ qui ne s’alarme pas quand il l’entend déclarer : « Toute parole oiseuse que l’homme aura prononcée, il en rendra compte au jour du jugement[4] ? » Ce qui faisait dire à son apôtre saint Jacques :

  1. L’auteur de la traduction des deux livres des Rétractations est M. Henry de Riancey.
  2. 1 Cor. XI, 31.
  3. Prov. X, 19.
  4. Matth. XII, 36.