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histoire de saint augustin.

la gloire de cet illustre Père de l’Église. Notre lecteur n’a qu’à se souvenir pour juger l’œuvre de saint Augustin et son retentissement à travers les âges. Toutefois, quelques lignes de résumé peuvent être encore utiles.

Avant saint Augustin il y avait des vérités chrétiennes qui sollicitaient de plus vives lumières ; les doctrines de l’Église catholique n’avaient pas reçu toutes leurs preuves, tout leur développement ; saint Augustin a creusé plus de choses religieuses qu’aucun autre Père, a mis au grand jour tous les dogmes chrétiens plus qu’on ne l’avait fait jusque-là, et l’Église lui doit un corps complet d’enseignements. Il est monté dans les hauteurs du dogme catholique avec une puissance dont on ne cessera jamais de s’étonner. Saint Athanase avait admirablement établi la divinité de Jésus-Christ contre l’arianisme ; il avait établi aussi le Dieu en trois personnes, mais cette dernière partie de la théologie catholique avait besoin d’un travail nouveau ; le traité de la Trinité par saint Augustin fut un beau complément. Le manichéisme dénaturait l’essence divine et dénaturait l’homme ; saint Augustin fit comprendre à tous que le mal n’est pas une substance, mais la défaillance du bien ; que la création est bonne, que tout ce qui existe est bon, que le mal est l’œuvre de la volonté humaine et non pas l’œuvre de Dieu : il rendit à l’homme sa liberté, sa grandeur morale, et à Dieu son unité et sa bonté[1]. Le pélagianisme, en plaçant l’homme si haut, en le représentant si fort, sapait les fondements du christianisme : la Rédemption devenait inutile. Saint Hilaire, saint Grégoire de Nazianze, saint Basile, saint Jean Chrysostome, saint Ambroise avaient enseigné, d’après les livres sacrés, le dogme de la déchéance primitive et l’impuissance de l’homme à accomplir, par sa seule force, les bonnes œuvres ; mais Pélage, Célestius et Julien ne s’étaient pas encore montrés ; la Providence réservait à saint Augustin l’honneur d’approfondir plus que personne ces grandes questions, et de ! tracer d’une main ferme les limites où finit l’homme, où Dieu commence. Enfin, dan ses combats contre le donatisme, l’évêque d’Hippone a condamné et convaincu d’erreur toute communion qui se sépare de l’Église universelle.

C’est ainsi que le docteur africain a, non pas fondé la foi catholique, car le fondateur c’est un Dieu fait homme, et avant saint Augustin l’Église avait ses dogmes, mais c’est ainsi que, disciple de saint Paul et son interprète sublime, il a donné à la foi divine ce que nous appellerons son complément humain. Saint Augustin, c’est le génie de l’Occident formulant avec une entière netteté les doctrines, dégageant les dogmes de tout le vague des imaginations orientales, établissant dans leur plus lumineuse précision les magnifiques réalités du christianisme. Le plan providentiel a donné une grande place à l’influence du génie occidental pour le développement et le progrès de la foi chrétienne ; les destinées religieuses de Rome sont là pour l’attester. La théologie catholique a donc pour représentant principal saint Augustin, et comme il n’a jamais rien inventé en matière religieuse et qu’il a toujours procéda avec les témoignages de l’Ecriture, le protestantisme et le jansénisme ne sont pas plus sortis des écrits de l’évêque d’Hippone qu’ils ne sont sortis de la Bible et de l’Évangile. Luther et Jansénius dénaturaient saint Augustin, mais ne le suivaient pas : nous l’avons prouvé dans le cours de cet ouvrage. La plupart des Pères de l’Église, travaillant selon le besoin des temps où ils ont vécu, ont soutenu telle ou telle lutte de manière à ne pas dépasser les limites de certaines questions. Une autre tâche fut imposée à saint Augustin ; il eut à combattre toutes sortes d’hérésies, et l’on peut dire avec Bossuet

  1. Dans l’Encyclopédie nouvelle (tome II), publiée par MM. P. Leroux et J. Reynaud, nous avons lu un article sur saint Augustin qui renferme des assertions étranges. Selon l’auteur de cet article (M. P. Leroux), saint Augustin a introduit le manichéisme dans la foi chrétienne, et si le docteur d’Hippone avait repoussé le système matériel des manichéens, il était toujours resté sous l’empire du sentiment qui produisit leurs doctrines : dans l’enseignement de saint Augustin devenu chrétien, le péché originel remplaça Abrimane (le mauvais principe des Persans). Le manichéisme a été un des principes constituants du christianisme, et saint Augustin a développé le côté manichéen de la religion du fils de Marie. — Tout est inexact dans ces assertions de M. P. Leroux ; il suffit d’avoir lu quelques ouvrages de saint Augustin contre les manichéens pour se convaincre qu’aucune trace de leurs idées n’est restée dans ses doctrines. Y a t-il dans les opinions et les pensées de l’évêque d’Hippone quelque chose de pareil à la rivalité de deux puissances éternelles, aux deux âmes en nous, à la condamnation de la création, à l’irrésistible influence des astres, à la haine tout ce qui appartient à l’Ancien Testament, à l’anathème porté contre le mariage, à l’anéantissement de la liberté humaine ? Il n’est pas permis de parler, même au point de vue philosophique, du côté manichéen du christianisme. Le dogme du péché originel et le penchant de l’homme vers le mal constatent l’état d’une nature tombé mais n’ont rien de commun avec les prodigieuses absurdités des manichéens.
    M. Pierre Leroux nous rappelle Julien, qui accusait aussi saint Augustin de manichéisme : on a vu comment le grand évêque lui répondait. Les adversaires de la foi catholique ont souvent répété et répètent encore les objections de Julien, mais les victorieuses réponses de saint Augustin sont encore debout.