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histoire de saint augustin.

saint Ambroise ; et aussi du Traité des hérésies de saint Épiphane, évêque de Salamine en Chypre. Pourquoi, disait Augustin, refaire ce qui a été déjà fait ? Il proposait d’envoyer au diacre de Carthage l’ouvrage de saint Épiphane, qu’il jugeait supérieur à celui de saint Philastre, et désirait qu’on le traduisît du grec en latin. Quodvultdeus ne se laissa point décourager par un premier refus ; il savait, disait-il[1], la difficulté de l’œuvre qu’il avait osé solliciter ; mais il se confiait en l’abondance de cette divine source de lumière et de science que Dieu avait mise dans Augustin ; les ouvrages de saint Philastre et de saint Épiphane[2] ne pouvaient remplacer l’œuvre nouvelle que beaucoup de fidèles souhaitaient ; pourquoi recourir à des livres grecs ? et d’ailleurs des hérésies étaient nées depuis la mort des deux évêques de Brescia et de Salamine. Le diacre de Carthage, interprète de désirs nombreux, tenait aux productions africaines et non pas aux productions étrangères ; il suppliait qu’Augustin lui accordât ce pain aussi exquis que la manne, quoique peut-être ses instances arrivassent à contre-temps ; Quodvultdeus rappelait cet importun de l’Évangile qui alla à minuit demander trois pains à son ami et ne laissa pas de les obtenir. Il déclare que rien ne lassera sa persévérance, et qu’il frappera à la porte d’Augustin jusqu’à ce que ses vœux soient comblés. À la fin, l’évêque d’Hippone promet[3] de consacrer à l’œuvre sur les hérésies les premiers loisirs qu’il trouvera. Il en était alors à la réfutation du quatrième livre de Julien ; aussitôt après la réfutation de ce quatrième livre et du cinquième qui était entre ses mains, il s’occupera de remplir les vœux de Quodvultdeus, en attendant de recevoir de Rome les sixième, septième et huitième livres de Julien, auxquels il doit répondre. Augustin annonçait qu’il prendrait sur le repos de ses nuits.

Le livre des Hérésies, tel que nous l’avons, écrit en 428 à Quodvultdeus, est seulement l’exécution de la première partie du plan du grand docteur ; c’est une indication de quatre-vingt-huit hérésies, depuis les simoniens jusqu’aux pélagiens, avec leurs origines et une courte appréciation de leurs doctrines. Augustin avait annoncé un second livre où il devait traiter de ce qui constitue l’hérétique. Obligé d’interrompre cette œuvre pour des travaux plus pressants, il n’eut pas le temps de la reprendre et de l’achever : cette fois-ci ce n’était plus un travail nouveau qui l’arrachait à l’œuvre commencée, c’était la fin des travaux, c’était la mort !

Il n’est pas aisé de déterminer l’époque précise de la composition des derniers ouvrages de saint Augustin ; tout ce que nous pouvons faire c’est de marquer avec vérité leur date successive. Nous croyons que l’évêque d’Hippone n’avait point encore reçu les trois derniers livres de Julien lorsqu’il dicta les livres de la Prédestination des Saints et du Don de la Persévérance : on était probablement alors dans les premiers mois de l’année 429. Le docteur d’Hippone dit lui-même[4] qu’il avait achevé les deux livres de la Révision de ses ouvrages quand il reçut les lettres de saint Prosper et d’Hilaire.

On se rappelle qu’en 394, dans un commentaire de quelques passages de l’Épître aux Romains, Augustin exprima une opinion inexacte dont il ne tarda pas à revenir : il avait pensé que le commencement de la foi venait de l’homme et non point de Dieu. Cette opinion constituait l’erreur désignée dans la suite sous le nom de semi-pélagianisme. Une plus profonde étude des Écritures et surtout de ce passage de saint Paul : Qu’avez-vous que vous n’ayez reçu ? le tira de son erreur. Il se rectifia lui-même en 397 dans ses livres à Simplicien. Trente ans plus tard, les moines d’Adrumet s’insurgeaient contre cette prédestination gratuite qui, selon eux, rendait inutiles les avertissements et les corrections. Vital, diacre de Carthage, soutenait que le commencement de la foi n’est pas un don de Dieu, mais un pur effet de la volonté, et le docteur d’Hippone le réfuta dans une très-remarquable lettre[5] où nous trouvons pour argument principal les prières mêmes que l’Église répète. Peu de temps après, la même opinion se produisait à Marseille et sur divers points des Gaules ; des prêtres mêmes et quelques évêques s’y montraient attachés. Le prêtre Jean Cassien, à la tête d’une communauté monastique à Marseille, était l’âme du parti. Il représentait l’orgueil des doctrines grecques auxquelles Origène avait donné une grande autorité par l’éclat de son nom et la puissance de son talent. Les combats

  1. Lettre 223.
  2. Saint Épiphane mourut en 403.
  3. Lettre 224.
  4. Livre de la Prédestination des Saints.
  5. Lettre 217.