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histoire de saint augustin.

les citations de l’Écriture sans but précis, répandait des torrents de phrases pour prouver ce qui n’avait pas besoin de preuves, et laissait de côté la question même à laquelle il fallait donner une solution. Il flottait devant le grand logicien d’Hippone comme quelque chose d’insaisissable et de confus ; le docteur était tour à tour condamné à courir après lui pour le retenir dans les limites de la discussion, et à subir un déluge de mots qui rendait peu facile la netteté des réponses. Le reproche de multiloquus parut lui déplaire, mais ne changea rien à sa prolixité vagabonde. Les discours de Maximin donnent d’ailleurs l’idée d’un homme habile et fin, instruit dans les Écritures, et d’un orgueilleux aplomb. Revenu à Carthage, il parla de la conférence d’Hippone comme d’une victoire qu’il venait de remporter ; il chantait la défaite de son adversaire, mais on croyait trop au génie et à la cause du grand évêque pour croire au triomphe de Maximin.

Augustin tint sa promesse ; il écrivit aussitôt deux livres[1] adressés à l’évêque arien, sous la forme épistolaire. Dans le premier livre, il fit voir que rien de ce qu’il avançait n’avait été réfuté par Maximin ; dans le deuxième livre, il démolit pièce à pièce toutes les assertions de l’évêque hérétique, et ses dernières pages sont une fraternelle invitation à la foi catholique. Maximin ne répondit point ; son silence fut celui d’un vaincu, et l’Afrique chrétienne eut le droit de le croire coupable (culpabilis), comme il l’avait dit lui-même en signant les actes de la conférence d’Hippone.




CHAPITRE CINQUANTE-TROISIÈME.




La révision<ref>De Recensione librorum, t. I, edit, Bened. des ouvrages de saint Augustin. — Le livre des Hérésies, à Quodvultdeus. — Les lettres de saint Prosper et d’Hilaire, et les semi-pélagiens des Gaules. — Les deux livres de la Prédestination des saints et du Don de la persévérance.

(428-429.)

Lorsque nous parlons de la puissante universalité de l’intelligence d’Augustin, il est arrivé qu’on nous ait répondu. : — Oui, cet homme a touché à tout, mais que de choses sur lesquelles il s’est trompé ! et la preuve ce sont ses rétractations qui tiennent tant de place ! — Voilà ce que la mauvaise foi a voulu accréditer, et ce que l’ignorance répète ; et du reste la première cause de cette fausse opinion est peut être le sens inexact que des traducteurs, des commentateurs et des compilateurs ont attaché au mot : recensione. De Recensione librorum, tel est le titre de l’ouvrage d’Augustin dont il s’agit ici. Le mot ne signifie point rétractation, mais révision ou revue. Au lieu d’un penseur malheureux qui se trouverait condamné à revenir sur la plupart des choses qu’il a dites, nous sommes en présence d’un grand homme, aussi admirable par sa conscience que par son génie, travaillé de scrupules aux approches de la mort, et possédé d’un ardent désir d’écarter de ses œuvres les moindres oublis, les moindres assertions contraires à la plus rigoureuse vérité. Augustin, à la fin de ses jours, fit pour ses ouvrages ce qu’il avait déjà fait pour sa vie ; dans les Confessions, il s’était accusé, à la face de l’univers, des fautes de sa jeunesse ; dans la Revue de ses ouvrages, il crut devoir avertir le monde des imperfections qui lui avaient échappé au milieu d’une précipitation imposée par les nombreux besoins de la foi. L’humilité et un amour extrême de la vérité inspirèrent ces deux monuments qui furent une belle et touchante nouveauté chez les hommes. D’innombrables copies des écrits d’Augustin circulaient à travers le monde ; il n’avait point la ressource de se corriger en publiant une dernière édition de toutes ses œuvres ; il eut l’idée d’avertir le monde de ses fautes dans un ouvrage qui pût courir de main en main. C’est ainsi que, selon

  1. Deux livres contre Maximin, hérétique, évêque des Ariens. Tome viii, p. 678.