Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome I.djvu/284

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
272
histoire de saint augustin.

teur penseur d’Hippone qui le premier fit défiler les nations et les empires sous le regard de Dieu, et détermina le cercle providentiel dans lequel s’enchaînent et se développent les événements humains, sans que la liberté intérieure de l’homme souffre la moindre atteinte.

Dans l’histoire des œuvres littéraires, il serait curieux d’observer ce qu’un génie emprunte à un autre génie ; quelle impression tel livre produit sur tel esprit ; quelles idées, quelle puissance il y fait germer. Les penseurs sublimes, dans la merveilleuse variété de leurs caractères, s’enfantent et se complètent par une étude sympathique. Cette génération progressive des grandes intelligences est un intéressant et beau spectacle. Pour ne citer que peu de noms, Platon naît de Socrate ; Virgile, d’Homère ; saint Thomas d’Aquin, de saint Augustin ; Molière, de Térence et d’Aristophane ; Racine, d’Eschyle et de Sophocle ; La Fontaine, d’Ésope et de Phèdre ; Malebranche, de Descartes ; Bossuet, de Tertullien et de saint Augustin, et saint Augustin lui-même, de Platon et de saint Paul. (En rapprochant, ces deux derniers noms, nous ne considérons que le point de vue purement humain de la double influence philosophique et théologique). La généalogie des grandes intelligences n’est pas toujours facile à constater, parce qu’il arrive plus d’une fois que des fruits éclatants sortent de germes restés obscurs pour nous, mais la génération n’en existe pas moins. De même que, dans l’ordre physique, les arbres et les plantes, les fleurs et les moissons, croissent et se développent sous le soleil ; ainsi, dans l’ordre intellectuel, il y a une sorte de soleil composé de rayons partis de l’âme de chaque grand homme : c’est à sa chaude et vivifiante lumière que se produisent et s’achèvent les nobles esprits épars à travers le monde, et ce sont les feux salutaires de cet invincible soleil qui fertilisent la pensée et font monter la sève du génie !





CHAPITRE CINQUANTE-UNIÈME.




Les moines d’Adrumet. — Le livre de la Grâce et du Libre Arbitre. — Un mot sur Luther, Calvin et Jansénius. — Lettre de Valentin à saint Augustin. — Le livre de la Correction et de la Grâce. — Rétractation du moine Leporius.

(426-427.)


C’est le privilège du génie de rendre célèbre, tout ce qui, de près ou de loin, se rencontre sur son chemin. Adrumet, ville de la côte africaine, a gagné de la renommée à la révolte de quelques moines contre la doctrine d’Augustin, qu’ils comprenaient mal. On se rappelle la lettre de l’évêque d’Hippone au prêtre Sixte. Au commencement de l’année 427, deux religieux d’Adrumet, Florus et Félix, avaient trouvé cette lettre chez Exode, évêque d’Usale ; Flores, obligé de se rendre à Carthage, chargea Félix de porter au monastère une copie de l’écrit d’Augustin. La solution des questions de là grâce et du libre arbitre n’appartient pas à toutes les intelligences ; c’est un ordre de vérités qui peut rencontrer des hommes peu instruits ou peu accoutumés aux études religieuses. La lecture de la lettre a Sixte excita d’abord parmi les cénobites les moins pénétrants du monastère d’Adrumet de vives rumeurs qui, pendant quelque temps, demeurèrent secrètes ; des réunions se tenaient l’insu même de Valentin, abbé du monastère on y accusait Augustin de renverser le libre arbitre. Il s’était formé deux camps. Mais tant de mystère enveloppait la sédition théologique

    de Scienza nuova, mais nous pouvons dire que le penseur napolitain n’a fondé rien de pareil. Nul n’a mieux parlé de la Providence que saint Augustin ; depuis ses premiers travaux jusqu’à ses derniers, il a toujours montré la Providence gouvernant le genre humain. Au début de sa carrière, dans les livres de l’Ordre, il parlait du bourreau comme tenant une place nécessaire au milieu même des lois ; et quarante ans plus tard, il faisait comprendre un ordre providentiel les désastres mêmes des nations.