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histoire de saint augustin.

pone, et à quelle occasion le grand docteur parlait ainsi. Il s’agissait de justifier les vierges chrétiennes qui avaient survécu à leur affront et de les venger des outrages des païens ; que fit Augustin ? Il prouva que le glorieux témoignage de la conscience aurait pu suffire à l’épouse de Collatin.

L’évêque d’Hippone nous dit qu’aucun passage des livres saints ne donne à un chrétien le droit de disposer de ses jours, dans quelque situation où il puisse se trouver placé. Il pense qu’il y a faiblesse d’âme à ne pas pouvoir supporter les maux de la vie ou les injustices de l’opinion. Platon lui-même n’approuva point Cleombrotus, qui, après avoir lu son livre sur l’immortalité de l’âme, se précipita du haut d’une muraille pour passer à une vie qu’il espérait meilleure. Lorsque Caton méditait son suicide à Utique, ses amis cherchèrent à l’en détourner comme d’un acte de faiblesse ; et s’il croyait honteux pour lui de survivre au triomphe de César, pourquoi ne força-t-il point son fils à mourir avec lui ? pourquoi lui prescrivit-il de tout espérer de la bienveillance du vainqueur ?

Tandis que les peuples d’Orient pleuraient la ruine de Rome et que les cités les plus éloignées en faisaient un deuil public, les Romains échappés aux calamités de la guerre cherchaient les théâtres et s’y précipitaient avec ivresse. Les Romains réfugiés à Carthage couraient avec délire après les joies du théâtre. Ce trait fait juger de l’état des mœurs et des caractères des païens à cette époque. Scipion Nasica, le plus grand homme de bien de son temps, ne voulait pas le renversement de Carthage, afin que les Romains eussent un ennemi à craindre et que le relâchement et les vices ne vinssent point les saisir. Quand les soldats d’Alaric, prirent Rome, les Romains écrasés devinrent misérables sans devenir meilleurs. Avant sa chute, Rome, pleine de vices, était plus laide et plus difforme qu’elle ne l’a été dans sa ruine, car dans cette ruine il n’y a que des pierres et du bois qui soient tombés !

Le plus méchant homme du monde n’aurait pas voulu avoir pour sa mère celle que les Romains appelaient la mère des dieux.

Les dieux n’ont jamais rien fait pour rendre les peuples meilleurs. Si les Romains avaient pu recevoir de leurs dieux des lois pour bien vivre, ils n’auraient pas envoyé demander aux Athéniens les lois de Solon quelques années après la fondation de Rome.

Voulant expliquer les maux des chrétiens au temps des barbares, Augustin dit que Jésus-Christ retire peu à peu sa famille du monde, qui semble s’affaisser sous le poids de tant de misères, pour établir une cité éternelle dont la gloire n’est pas fondée sur les vaines louanges du monde comme la gloire de Rome, mais sur le jugement même de la vérité. L’évêque d’Hippone invite l’illustre race des Régulus, des Scévola, des Scipion, des Fabricius, à entrer dans la patrie chrétienne, à gagner l’empire du ciel après avoir perdu l’empire de la terre.

Dans un vigoureux tableau de l’histoire romaine, passant en revue les violences, les égorgements, les fléaux, les guerres civiles, les atrocités de toute nature qui remplissent les annales du peuple-roi, Augustin montre que les dieux n’ont jamais rien fait pour délivrer les Romains aux jours du péril’ : il en conclut qu’il est absurde d’imputer les nouveaux malheurs de l’empire au christianisme et à l’abolition du culte des dieux. Le docteur africain énumère les divinités romaines avec leur caractère, leur destination, leur ministère particulier ; il fait voir que l’agrandissement et la durée de l’empire n’ont été l’œuvre d’aucune de ces divinités, ni l’œuvre de je ne sais quel destin qui n’existe pas. La fortune ou le hasard n’a pas fait l’empire romain. C’est la Providence de Dieu qui établit les royaumes de la terre, qui les distribue aux bons comme aux méchants. Les royaumes sont gouvernés par la Providence de Dieu. Celui qui est le créateur de toutes les intelligences et de tous les corps, qui est la source de toute félicité, qui a fait l’homme un animal raisonnable composé d’une âme et d’un corps, qui a donné aux bons et aux méchants l’être avec les pierres, la vie végétative avec les arbres, la vie sensitive avec les bêtes, la vie intellectuelle avec les anges seuls ; le Dieu d’où procède toute forme, toute beauté, tout ordre, le Dieu qui est le principe de la mesure, du nombre et du poids, et par lequel existe toute chose dans la nature ; celui d’où dérivent les semences des formes, les formes des semences, et leurs mutuels mouvements ; qui a créé la chair et lui a donné sa beauté, sa vigueur, sa fécondité, la souplesse des membres et leur proportion ; celui qui a doué de mémoire, de