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histoire de saint augustin.

gence de l’âme humaine est un lien de plus qui l’attache à son créateur. Ce qui peut humilier, c’est la dépendance absolue sous l’autorité d’un autre homme, c’est la pauvreté en regard des richesses de la terre. Mais, dites-moi, quelle honte y a-t-il à reconnaître que nous tenons tout de Dieu seul ? quelle honte y a-t-il à être pauvre comme est pauvre le genre humain tout entier ? Ne découvrez-vous pas un rayon de gloire sur notre front dans cette seule idée que l’homme est placé sous le regard divin, et que chaque élan de notre cœur vers le bien est un témoignage de bonté paternelle de la part de Dieu ? Qu’on ne nous répète point l’objection banale et à laquelle nous avons eu déjà occasion de répondre : Avec la grâce catholique il n’y a plus de vertu, plus de mérite personnel. Y a-t-il une société sur la terre qui ait offert autant d’exemples de vertus que la société catholique ? Le secours n’empêche pas, ne détruit pas l’éclatant mérite des luttes constantes, des bonnes et des grandes actions. Lorsque les martyrs confessaient le nom de Jésus-Christ sur les gibets, dans les flammes ou sous la dent des bêtes du Cirque, l’esprit de Dieu les soutenait, mais toute la puissance de leur volonté et de leur courage les soutenait aussi.

Les pélagiens, méconnaissant la faiblesse si tristement évidente de notre nature tombée, accordaient tout à la puissance personnelle de l’homme, et de combien de pélagiens ne sommes-nous pas encore entourés ! que de gens, se trouvant sans doute suffisamment forts et heureux, refusent de croire à une déchéance, à un paradis perdu ! Augustin, dans ses réponses aux hommes qui niaient le péché originel, triomphait d’eux avec leurs propres armes. Les pélagiens torturaient certains passages de l’Ecriture et des Pères, et se proclamaient les interprètes exacts des traditions sacrées ; l’évêque d’Hippone répondait en faisant parler les Livres saints et les Pères de l’Église dans leur majestueux ensemble et leur magnifique unité. Lorsque l’évêque Claude lui eut envoyé les quatre livres entiers de Julien contre le premier livre du Mariage et de la Concupiscence, le vieil athlète catholique se leva de toute sa hauteur pour terrasser son jeune adversaire. La longue controverse pélagienne n’offre rien de plus fort ni de plus éloquent que les six livres contre Julien, écrits en 421. Comme le fils de Mémorius était très-versé dans les belles-lettres et qu’il se piquait d’esprit et d’élégance, il semble qu’Augustin, pour mieux le convaincre, ait voulu ajouter la séduction littéraire à la puissance de la vérité.

Les quatre livres de Julien renfermaient beaucoup d’injures contre Augustin. L’évêque d’Hippone dit à l’évêque hérétique qu’il ne peut pas dédaigner tous ces outrages, parce qu’il faut qu’il s’en réjouisse pour lui-même, qu’il s’en attriste pour Julien et pour ceux que trompe sa parole. Il se rappelle les magnifiques récompenses promises à ceux qui seront calomniés à cause de Jésus-Christ, et se rappelle aussi l’apôtre qui est malade avec les malades et qui souffre de tout scandale. Julien, avec ses quatre grands livres, avait cru écraser comme sous un char à quatre coursiers le petit écrit d’Augustin, et ce petit écrit n’a pas même été touché par tout ce fracas immense ! Julien s’efforçait de prouver qu’il fallait condamner absolument le mariage si les hommes venus au monde par cette voie n’étaient pas exempts de tout péché ; il ne réfutait aucun point du livre d’Augustin et parcourait à son aise le champ des suppositions gratuites. Renouvelant les excès de Jovinien, il imprimait au front du catholique la tache du manichéisme. Augustin lui montre que cette accusation de manichéisme, jetée à la face des catholiques pour leur croyance au péché originel, doit enfin tomber en poussière, car ce n’est pas lui Augustin qui a inventé la doctrine du péché originel, ce ne sont pas les catholiques ses contemporains qui l’ont inventée : elle a été enseignée par les plus illustres défenseurs de la foi catholique, et Julien devra appeler manichéens saint Irénée, évêque de Lyon, presque contemporain des apôtres ; le saint évêque et martyr Cyprien ; Riticius, évêque d’Autun, homme de grande autorité, qui assista au concile de Rome, où fut condamné Donat, le premier chef du donatisme ; Olympius, évêque espagnol, homme de grande gloire dans l’Église et dans le Christ ; saint Hilaire, évêque des Gaules, vénérable et ardent défenseur de l’Église catholique ; saint Ambroise, dont le monde entier connaît les admirables travaux ; le pape Innocent et tous les évêques des conciles de Carthage et de Milève. Augustin reproduit divers passages des personnages éminents dont il invoque la mémoire.

Si les témoignages de l’Église d’Occident ne suffisent pas à Julien, Augustin interrogera l’Église grecque ; il fera entendre saint Grégoire