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histoire de saint augustin.

cien et des Prosper ; écoutons un moment les siècles qui ont suivi le siècle d’Augustin. Isidore de Séville[1] disait qu’Augustin, par sa science et son génie, avait vaincu les études de tous ses prédécesseurs. Ildefonse de Tolède[2] ne croyait point permis de contredire Augustin. De même que le soleil surpasse en lumière toutes les planètes, disait Remi d’Auxerre[3], ainsi Augustin l’emporte sur tous les docteurs dans l’explication des Écritures. Rupert[4] appelle Augustin la colonne et le firmament de la vérité : « L’évêque d’Hippone, ajoute Rupert, est la colonne lumineuse sur laquelle la sagesse de Dieu a placé son trône. »

Nous avons cité l’admiration de Cassiodore à l’occasion des commentaires des Psaumes ; nous pourrions citer Bède, qui nous représente dans sa tige le grand ordre de saint Benoît, et Alcuin[5], le maître de Charlemagne. D’après le pape Martin V, tous ceux qui savent quelque chose du Christ, de la foi, de la religion, prononcent le nom d’Augustin, comme si sans Augustin rien ne pouvait être compris ni expliqué : « Grâce à Augustin, c’est Martin V qui parle[6], nous n’envions point aux philosophes leur sagesse, aux orateurs leur éloquence ; nous n’avons plus besoin de la pénétration d’Aristote, du charme persuasif de Platon, de la prudence de Varron, de la gravité de Socrate, de l’autorité de Pythagore, de la pénétration d’Empédocle… lui seul nous « représente le génie et les études de tous les Pères… Qui voudrait défendre la religion et sous un autre chef qu’Augustin ? » Grégoire le Grand disait : « Si vous désirez prendre une délicieuse nourriture, lisez les ouvrages du bienheureux Augustin ; ne cherchez pas notre son (nostrum furfurem) quand vous avez la fleur de son froment[7]. »

Saint Thomas[8], la gloire de l’ordre de saint Dominique, et proclamé l’Ange de l’école, n’est autre chose dans le fond, dit Bossuet[9], et surtout dans les matières de la prédestination et de la grâce, que saint Augustin réduit à la méthode de l’école. Saint Bernard se faisait gloire de suivre la théologie de saint Augustin, et Pierre le Vénérable l’appelle le maître de l’Église après saint Paul. Des louanges infinies se presseraient sous notre plume si nous voulions mentionner les témoignages de tant de papes en faveur de l’évêque d’Hippone. Il sera plus curieux d’entendre Luther, Mélanchton et Calvin, mêler leurs voix aux voix catholiques dans cet hymne de louanges parti de tous les pays de la terre.

Le moine de Wittemberg pensait que, depuis les apôtres, nul docteur n’avait été comparable à Augustin. Il était doux à Mélanchton[10] d’invoquer Augustin dans son école. « Sa doctrine, ajoute Mélanchton, étant nécessaire à l’Église, c’est avec raison que nous devons aimer Augustin, qui a le mieux conservé le céleste trésor de la vérité. » « Il n’est pas besoin, disait Calvin[11], de travailler à savoir ce qu’ont pensé les anciens, lorsque Augustin seul peut suffire : les lecteurs n’ont qu’à prendre dans ses écrits, s’ils veulent avoir quelque chose de certain sur le sens de l’antiquité. » Augustins est le seul Père que les hérétiques aient admiré ; mais combien il a fallu défigurer Augustin pour en faire le Père des hérétiques !

Bossuet, philosophe si pénétrant, théologien si profond, interprète si puissant de la foi catholique, cite Augustin à chaque page, l’appelle tour à tour le grand, l’admirable, l’incomparable, et se nourrit constamment de la pensée du docteur africain, qu’il revêt de son style à lui, de ce style prodigieux qui lui est propre. Il ne souffre pas la moindre atteinte portée à la gloire de l’évêque d’Hippone. « C’est déjà, dit Bossuet, une insupportable témérité de s’ériger en censeur d’un si grand homme, que tout le monde regarde comme une lumière et de l’Église, et d’écrire directement contre lui ; c’en est une encore plus grande, et qui tient de l’impiété et du blasphème, de le traiter de novateur et de fauteur des hérétiques[12]. » Érasme prétendait qu’Augustin n’avait pu acquérir une connaissance solide des choses sacrées[13], et le regardait comme fort inférieur à

  1. Lib. VI. Étym., cap. 8.
  2. Sermon de B. Viry.
  3. In epist. ii, ad Cor.
  4. Lib. vii, De operat. Spirit. sanc., cap. 19.
  5. Charlemagne, eut un jour l’idée de s’entourer de douze clercs, comme saint Augustin et saint Jérôme ; Alcuin lui répondit : « Le Créateur du ciel et de la terre n’en a pas eu plusieurs, et vous voulez en avoir douze ! »
  6. Sermon sur la translation de sainte Monique.
  7. Lib. VIII, Reg., cap. 37.
  8. Un biographe de saint Augustin, Lancilot, parle d’une vision où saint Thomas d’Aquin se montrait couvert d’une chape semée d’étoiles et lançant au loin de célestes rayons ; un royal diadème ornait sa tête. À côté de l’Ange de l’école apparaissait un évêque revêtu des mêmes splendeurs et portant une barbe vénérable. L’évêque prenant la parole, dit : Celui-là est Thomas, et moi je suis Augustin ; j’ai fait de Thomas mon compagnon ; dans les passages les plus difficiles de la doctrine sucrée, il suit mon opinion et la défend.
  9. Défense de la traduct. et des Saints Pères, livr. VI, chap. 24.
  10. Déclamat. sur saint Augustin.
  11. Lib. III., Instit., cap. 3.
  12. Défense de la trad. livre I, chap. 7.
  13. Solidam cognitionem rerum sacrarum