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chapitre quarante-unième.

mal, ou plutôt les uns le comprennent, les autres ne le comprennent pas du tout ; car celui qui comprend mal ne comprend pas, et parmi ceux qui entendent bien, les uns entendent plus, les autres moins, et nul homme n’entend comme les anges. Et dans l’esprit, dans l’âme de chaque homme, il se fait un développement progressif non-seulement pour passer comme du lait à la nourriture solide, mais encore pour passer de cette nourriture solide à une plus solide et toujours plus abondante. Ce développement ne s’accomplit point par quelque chose de matériel, mais par une intelligence lumineuse, car la lumière est aussi la nourriture de l’intelligence. Mais pour croître dans cette science et pour saisir de plus en plus à mesure que s’étend la connaissance, ce ne sont pas les paroles d’un homme savant qui vous suffiraient ; lui, par son travail intérieur, plante et arrose ; mais on doit tout solliciter, tout attendre de celui qui donne l’accroissement.

La gloire et la durée de l’Église font toujours battre le cœur d’Augustin et lui inspirent les expressions les plus vives.

Ô Église de Jésus-Christ ! dit l’évêque[1], vrai temple du roi, qui se construit avec les hommes, dont les pierres vivantes sont les fidèles de Dieu ! temple unique dont toutes les parties, solidement liées, ne forment qu’un seul tout, où il n’y a plus ni ruine, ni séparation, ni division : la charité en est le ciment. Jésus-Christ a envoyé ses ambassadeurs ; les apôtres ont enfanté l’Église, ils sont nos pères. Mais ils n’ont pas pu demeurer longtemps avec nous. Celui-là même qui désirait quitter ce monde, mais qui, par nécessité, prolongeait son séjour au milieu de ses frères, est parti. L’Église est-elle pour cela abandonnée ? point du tout ; il est écrit : En place de vos pères, des fils vous ont été donnés. En place des apôtres, vos pères, des évêques ont été constitués. L’Église donne aux évêques le nom de pères, et c’est elle qui les a engendrés. Ô sainte Église ! ne pensez donc pas que vous soyez abandonnée parce que vous ne voyez plus Pierre, parce que vous ne voyez plus Paul ni les Pères qui vous ont enfantée. Regardez comme le temple de Dieu s’est agrandi ! Voilà l’Église catholique : ses fils sont établis princes sur la terre ; ils ont été constitués à la place des pères. Que ceux qui se sont séparés reviennent au temple du roi. Dieu a établi son temple partout, partout il a affermi le fondement des prophètes et des apôtres.

On se rappelle la pierre dont parle Daniel. Cette pierre, détachée d’une montagne, et qui est devenue elle-même une grande montagne, a couvert toute la terre. Cette pierre, c’est Jésus-Christ, qui a brisé l’empire des idoles et rempli de sa gloire tout l’univers. Voilà la montagne immense que tous les yeux peuvent voir ! Voilà la cité dont il a été dit : Une ville placée sur une montagne ne peut pas être cachée. Or il y a des hommes qui viennent heurter contre cette montagne, et comme on leur dit : Montez donc, ils répondent qu’il n’y a rien, et aiment mieux s’y briser la tête que d’y prendre une demeure[2].

Augustin veut chercher son frère égaré ; il bravera sa colère, sauf à l’apaiser après qu’il l’aura trouvé. « Ô mon frère ! dit le saint évêque, que faites-vous dans les réduits obscurs ? Pourquoi cherchez-vous au milieu des ténèbres ? Il a posé son tabernacle dans le soleil[3]. Augustin nous montre l’Église posée sur un fondement divin et ne devant pas s’incliner dans les siècles des siècles[4] ; il demande où sont ceux qui disent qu’elle va tomber et disparaître du monde. » Peuples de la terre, venez, voyons si vous effacerez cette Église ; voyons si vous l’étoufferez, si vous anéantirez son nom ; voyons si tous vos efforts ne seront pas inutiles. Quand doit-elle mourir ? Jetez-vous, ruez-vous sur elle comme sur une muraille en ruine ; poussez-la, mais écoutez plutôt : O Dieu ! dit-elle, vous êtes mon êtes mon soutien, je ne serai pas ébranlée : on a voulu me pousser, me renverser comme un monceau de sable, mais le Seigneur m’a tendu la main[5].

Qu’on vienne encore nous redire : « Cette Église a vécu assez longtemps, elle est passée. Ô parole impie ! Elle n’existe plus parce que vous vous en êtes séparés ? Prenez garde que vous allez passer tout à l’heure, et qu’elle subsistera toujours et sans vous[6]. »

Il y a quatorze cents ans, au temps d’Augustin, des mains ennemies creusaient donc une grande fosse pour enterrer l’Église catholique ! ces hommes ont passé, quatorze cents ans ont passé aussi, et l’Église dure encore. De nos jours elle a retrouvé des fossoyeurs tout prêts à la clouer au cercueil, et ces fossoyeurs seront eux-mêmes couchés dans la bière, et

  1. Enarr. Ps. XLIV.
  2. In epist. Joan., I, 13.
  3. Enarr. in Ps. XVIII.
  4. Ps. CIII.
  5. Ps. LXI.
  6. Ps. CI.